Ils accusent le smartphone de favoriser l’inégalité des sexes. Pour certains jeunes zimbabwéens, les « vidéos de sexe » enregistrées à la va-vite et souvent pour des raisons privées renforcent l’image de la femme comme étant un objet sexuel.
Certes, ils reconnaissent l’apport énorme du smartphone en matière de communication, mais affirment que ce sont les femmes qui sont le plus souvent la cible d’attaques sociales et qui sont montrées du doigt en cas de diffusion d’enregistrements vidéo à caractère sexuel explicite.
En 2011, le musicien Stunner Chideme et sa petite amie Pokello ont été les premiers à voir leur vidéo, où ils se filment lors d’ébats sexuels, fuitée dans les médias. Depuis lors, ce type de vidéo est couramment publié dans les tabloïds à sensation comme H-Metro et dans les réseaux sociaux.
Catalysateur de la discrimination entre les genre
Mateline Tsama, 22 ans, habitant Chitungwiza , note que les vidéos de sexe montrent clairement les visages des femmes et cachent souvent ceux des hommes.
Le réseau social Whatsapp permet la communication mobile et l’échange d’informations instantanées. Depuis son émergence au Zimbabwe, il est devenu la plateforme de communication la plus utilisée du pays. Selon Mateline, la circulation de ces vidéos à caractère sexuel via Whatsapp perpétue le stéréotype de la femme comme étant un objet sexuel, ce qui constitue une insulte à la gente féminine. Le smartphone véhicule cette image et devient un catalyseur de la discrimination entre les genres.
Tendai Munhazu, jeune habitant du quartier Crowborough de Harare, ajoute que le smartphone et autres tablettes sont désormais utilisés pour publier des vidéos qui autrefois ne sortaient pas des cercles privés. « Il est facile de se photographier nu et de dévoiler son intimité ».
Vous savez comment la société africaine catalogue les femmes
Linnet Manzini est journaliste. Son smartphone lui est indispensable. Elle reconnait cependant que l’accès aux informations personnelles n’est pas protégée et notamment les photos, qui peuvent être utilisées par d’autres. « Mes amis peuvent accéder à mes photos de profil et les utiliser à leur tour sur d’autres sites de réseaux sociaux, sans que je le sache moi-même », reconnaît-elle. « Ce qui peut être dangereux pour nous, les femmes, car si votre photo est publiée sur une page obscène de Facebook comme par exemple Zim Hot Babes, vous êtes rapidement cataloguée. Et vous savez comment la société africaine catalogue les femmes. »
Elle ajoute : « Ce sont toujours les femmes qui sont blâmées, ridiculisées, alors que les hommes sont au contraire applaudis ou même enviés dans ces vidéos porno. « Regardez la vidéo de Tinopona Katsande, les gens se sont moqués d’elles et l’ont traitée de « femme facile », mais jamais on n’a entendu de tels jugements envers son petit ami, lui aussi présent dans le film. »
Tinopona Katsande est une DJ connue qui a été l’objet d’un scandale l’année dernière. Une de ses vidéos à caractère sexuel est devenue virale après une fuite sur les réseaux sociaux et elle a dû quitter son travail dans la station de radio locale ZiFM.
L’immoralité n’est pas un phénomène nouveau
Certains jeunes ne partagent pas tout à fait les mêmes critiques concernant les smartphones. David Chidende, 28 ans, et Prince Kumbirai Njagu, 25 ans, estiment que les relations sexuelles avant et hors mariage ont toujours existé et que la seule différence est que rien n’était enregistré à l’époque.
« Il ne faut pas confondre les problèmes. Les smartphones ont seulement donné aux gens la liberté d’enregistrer et de partager des photos et des vidéos. Les gens utilisent ces gadgets pour la mauvaise cause », affirme Chidende.
La femme est la plus exposée
Il ajoute que la raison pour laquelle les femmes se font plus critiquer que les hommes est qu’en principe les femmes sont censées avoir une plus grande maitrise de leurs pulsions sexuelles.
« Donc, si une femme ne parvient pas à se contrôler, la société réagira forcément plus sévèrement envers elle qu’envers son partenaire masculin », conclut-il. Cet avis est partagé par Njagu, qui renchérit : « Ce n’est pas que les gens n’avaient pas de relations sexuelles dans le passé, ils n’avaient tout simplement pas le moyen de les filmer et de les partager. »
Njagu pense toutefois que les smartphones accélèrent le processus de décadence morale. Il ajoute que souvent, dans ces vidéos, c’est le partenaire masculin qui filme et c’est pourquoi on ne voit pas son visage. C’est donc encore et toujours la femme qui est la plus exposée sous les feux des projecteurs en cas de diffusion de vidéo à caractère sexuel enregistrée sur un smartphone.