« Pourquoi faire de longues études ou simplement faire des études, si de toute façon un homme non instruit semble gagner plus qu’un homme instruit ?» Voici l’interrogation du blogueur Ivan Corneille MAGAGI III, qui veut nous partager ses observations à propos de « l’iniquité » qui semble caractériser la rétribution dans le monde du travail burundais.
On grandit tous avec des théories à propos du pouvoir de l’éducation. On nous dit tantôt que la réussite d’un homme ne passe que par le banc de l’école, tantôt que plus tu fais d’études, mieux tu t’en sors. Mais la vérité est qu’il y a plein de gens dont le quotidien désapprouve avec justesse ces théories.
Eddy (pseudo) est un agent de sécurité du groupe ASEC. Pour avoir ce poste, il a présenté un CV riche notamment un diplôme d’Etat. Il gagne 52.000Fbu par mois. Une assurance maladie couvre une moindre partie de ses soins de santé. Il se loge à ses propres frais à Kanyosha. Chaque matin, il marche jusqu’en zone Rohero, quartier INSS, où est son poste de travail. Le soir, il suit des cours qu’il paie lui-même à l’Université des Grands Lacs, avant de rentrer toujours à pied. Eddy passe sa journée avec Evariste, le boy de la maison qu’il garde. Evariste quant à lui est nourri, logé, soigné aux frais de son patron, et gagne 80.000 Fbu par mois, alors qu’il sait à peine lire et écrire.
Une « triste »histoire parmi tant d’autres
Cela est un exemple isolé de ce qui est le commun de beaucoup d’autres Burundais. J’aurais pu citer l’exemple du maçon (aucun diplôme exigé) qui gagne 7 à 10 milles francs par jour alors qu’un bachelier journalier dans le centre d’appel de Lumitel ne gagne que 5000 Fbu, ou encore les jeunes médecins qui se plaignent de gagner moins que des agents de l’OBR. Il y a aussi, pour ne citer que ceux-là, l’infirmier (niveau A2) de l’Hôpital roi Khaled qui gagne entre le double et le triple du salaire d’un licencié agrégé qui enseigne à un Lycée communal quelconque.
Les situations susmentionnées sont décourageantes. Certes, on va à l’école pour gagner du savoir et non de l’argent. Mais une question peut se poser : pourquoi faire de longues études ou simplement faire des études, si de toute façon on peut gagner plus qu’un homme (plus) instruit ? On s’entend sur une chose : l’intérêt de l’éducation des peuples n’est plus à démontrer. Ainsi, des mesures concrètes doivent être prises pour promouvoir la culture de l’éducation, comme payer les individus selon leur niveau d’études. De nos jours, on parle souvent de l’harmonisation des salaires dans la fonction publique. C’est une bonne initiative. Mais on doit aller encore plus loin, notamment penser à instaurer une politique régulant plus largement le marché du travail, pour qu’un patron ne paye plus 80.000 Fbu son boy, alors qu’un de ses salariés diplômé est payé presque la moitié.
Mais malheureusement ou heureusement il faut orienter ses études en fonction des possibilités d’emploi à la sortie de ses études. C’est à l’individu de s’adapter car le système quel qu’il soit broie tous ceux qui ne s’adaptent pas. Attention, si nous nous adaptons pas nous disparaîtrons.
En Kirundi, il y a un adage qui dit ‘Ingendo y’uwundi iravuna’. Ce n’est pas parce qu’un tel a réussi sans faire d’études que ce sera forcement le cas pour toute autre personne qui décidera d’emprunter la même voie. Les chances ne sont pas les mêmes, les opportunités ne sont pas les mêmes et surtout les raisons ne sont pas les mêmes. Les personnes qui n’ont pas d’éducation n’ont pas toutes forcement choisi cette option et doivent donc survivre d’une manière ou d’une autre. Je vois l’éducation comme un kit de survie pour survivre dans la jungle qu’est le monde aujourd’hui. Ce kit peut nous servir ou pas et admettons le, pour la majorité d’entre nous, nous ne travaillons pas dans le domaine de nos études. Pour la question de l’iniquité, j’avoue que je ne suis pas au courant de l’existence d’un barème salariale au Burundi pour le domaine prive ou si c’est l’employé, qui, en se basant sur le barème salariale publique, octroie tel ou tel salaire a quelqu’un.