Une crise qui perdure, en face une communauté internationale presque inactive. Le Burundi serait-il victime de son insignifiance économique ?
Sortons la tête de la bulle nationale. Voyons les choses à froid, avec un peu de hauteur. Après trois ans d’une crise qui a déjà pris 1710 vies (dernier rapport de la FIDH) et envoyé plus de 430 000 Burundais dans les camps de réfugiés (HCR), le Burundi voit toutes les lueurs d’une solution négociée s’éteindre les unes après les autres. Le point d’orgue a été le référendum constitutionnel de ce 17 mai dernier, considéré comme le scrutin « de tous les dangers » par la communauté internationale, qui n’a envoyé aucun observateur. Sur le papier le peuple avait le choix entre « Oui » et « Non ». Dans les faits, entre « Oui » et « Oui », si l’on se réfère aux membres de l’opposition, de la société civile, des organisations des droits humains, et de différents analystes.
Le « Oui » a donc logiquement gagné, sans surprise et sans suspense. Les Accords d’Arusha, décrochés au forceps par Nelson Mandela, qui avaient permis de contenir un conflit ethnique d’au moins quatre décennies et ramener les différents mouvements rebelles – le Cndd Fdd y compris – à la table des négociations, risquent de devenir une vieille histoire. Les pays voisins ont crié, l’Union africaine s’est rebiffée, l’Union européenne s’est offusquée, les Nations unies ont protesté… en vain.
La place de traînard
« L’Europe critique Bujumbura mais peut faire nettement plus », expliquait ainsi Bruce Mercier du Réseau européen pour l’Afrique centrale dans son édition du 16 mai, le journal belge Le Soir. Osons extrapoler sa pensée : « La communauté internationale critique Bujumbura mais peut faire nettement plus ». Dans les colonnes d’un autre média belge, la RTBF, l’avocat Bernard Maingain enfonçait le clou : « Le Burundi est un pays abandonné. Abandonné parce qu’en géopolitique internationale, il ne représente rien. » Il ne croyait pas si bien dire. Focalisons-nous sur les performances économiques, grande caractéristique facilement quantifiable du soft power, incarnation de la géopolitique contemporaine.
Au niveau de la communauté est-africaine par exemple, le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie accaparaient à eux seuls 84,8% des échanges en 2015 d’après l’East African Community Trade And Investment Report. Le graphique ci-dessous, dont les chiffres s’étalent sur quatre ans de 2011 à 2015, en dit long sur le poids économique du Burundi au sein de l’EAC. Une précision : à cette période le pays était stable, bénéficiait encore de l’aide au développement, la croissance était positive.
Il va sans dire que quand une crise politique s’abat sur le Burundi, les pays de la communauté sont assez libres d’aider ou pas, « toute chose restant égale par ailleurs ». L’EAC peut vivre, bien vivre, sans le Burundi. Bujumbura et ses troubles économiques n’affectent presque en rien la dynamique sous régionale. D’où, peut-être, le « laisser faire » des chefs d’État de la région, malgré le mandat de l’Union africaine pour s’impliquer dans la résolution de la crise.
Quid de l’Occident ?
Même angle d’analyse. Un rapport de l’Union européenne sorti en 2017 place le Burundi à la 166e position comme partenaire commercial dans le monde. En 2017 toujours, Andrew Mold, patron de la commission économique des Nations unies en Afrique de l’Est, révélait que les investissements directs étrangers avaient chuté de 40 millions de dollars, de 47 millions en 2014 à uniquement 7 millions de dollars en 2015 « à cause du gel des financements extérieurs des bailleurs traditionnels ». Remarquons que ce n’est pas l’argent des entrepreneurs occidentaux venus ouvrir des filiales au Burundi, mais bien de l’aide au développement. D’après différentes sources, les quelques « vrais » investissements directs étrangers proviendraient de l’EAC, de l’Inde et de la Chine.
L’Union européenne a pris des sanctions contre le Burundi, elle a suspendu son appui budgétaire, a financé le dialogue, lui demander de faire plus pour un pays qui, encore une fois « toute chose restant égale par ailleurs », ne représente aucun enjeu économique majeur ne serait qu’illusoire.
Les États Unis d’Amérique ?
Il se pourrait que Donald Trump, plus businessman que chef d’Etat, ne soit même pas au courant qu’il existe un « shithole country » qui s’appelle le Burundi, un pays rayé par Washington des bénéficiaires de l’Accord commercial préférentiel envers l’Afrique, l’AGOA. Une décision #SansEffet car, prise par Barack Obama en 2016, le commerce entre le pays de l’Oncle Sam et celui de Mwezi Gisabo est ce qu’il y a de « chétif ». À titre illustratif, en 2015 les exportations et les importations américaines à destination du Burundi représentaient respectivement 0.5 % et 1% sur le total des cinq pays de l’Afrique de l’Est, selon l’Office of the United States Trade representative. Les Américains ne cessent de condamner, au travers des communiqués, la crise au Burundi. Ce n’est pas petit pour un pays qui, à leurs yeux, ne représente presque rien économiquement. Ceteris Paribus !
Une petite comparaison : le Kenya vient d’être sauvé de justesse d’une grave crise politique après l’annulation du scrutin par la Cour suprême, la réélection d’Uhuru Kenyatta et le serment de l’opposant Raila Odinga comme président du peuple, des séquences toutes émaillées de violence. Avec son PIB plus de vingt fois supérieur à celui du Burundi, sa 67è position comme partenaire commercial de l’Union européenne (classement 2017), monopolisant à lui seul 78% des exportations et 75% des importations américaines au sein de la communauté est-africaine (chiffres de 2015), le voir sombrer dans une crise politique et la violence aurait non seulement écroulé toute la sous-région, mais aussi touché largement l’Occident. S’il serait injuste de ne pas reconnaître la volonté politique qui a caractérisé les acteurs kényans, il faudrait être un sourd-muet pour passer sous silence le rôle déterminant qu’a joué l’Occident pour venir à bout de la crise. Une source bien informée à Nairobi témoigne : « les USA, les chancelleries européennes ont été impliqués principalement pour s’assurer que l’élection se passe dans la sérénité. Par contre ils n’ont pas réussi à faire participer Raila Odinga dans le second scrutin après l’annulation du premier, mais ils ont pu dissuader ses alliés qui l’ont abandonné dans sa démarche de prêter serment comme président ». Ce n’est certainement pas un hasard si l’ex-secrétaire d’Etat des USA, Rex Tillerson, a atterri à Nairobi deux heures après la spectaculaire et surprenante poignée de main entre Uhuru Kenyatta et Raila Odinga le 9 mars.
Jusqu’à présent, rien ne semble pousser la communauté internationale à se mouiller pour la cause burundaise donc. Malgré un discours démagogique et pompeux de souveraineté et d’indépendance des autorités, ça reste une affaire de près de deux mille morts, dans le pays parmi les plus pauvres du monde, et le plus malheureux, avec une population terrorisée par une situation toujours volatile, traumatisée par un passé en éternel recommencement, paupérisée avec un revenu par habitant de moins d’un dollar par jour, dont « plus de la moitié souffre de la malnutrition chronique », d’après les aveux de Bujumbura elle-même. Les faits forcent à constater que le monde agit avec la tête, rarement avec le cœur. Compter sur lui serait un leurre. Il y a eu très peu de Mandela dans l’histoire de l’humanité. Pourtant, le Burundi en a aujourd’hui cruellement besoin.
Que peut faire une communaute internationale face a un pouvoir qui ayant ferme les yeux, les oreilles, la bouche, toute la tete jusqu’a tomber d1ns le negationnisme. Uwutema urwiwe abona ko ariko ararwitemera, umugirira iki? Umutiza imihoro 10.
Merci pour cet article qui, malgre une analyse erronee, semble prouver une prise de conscience.
De par ce que vous avez ecrit, on peut conclure ce qui suit: il serait temps que les Burundais cessent de compter sur la communaute international, se mettent ensemble pour resoudre leurs problemes a la Burundaise et trouvent un moyen d’avancer dans la douleur et le labeur. Car en fait de compte, le Burundi n’interesse personne. A quoi bon donc continuer a appeler cette communaute internationale qui ne reagit pas?
Bonjour Abi,
Merci de votre commentaire. Trouver que l’analyse est erronée c’est votre droit. Après tout c’est une opinion. Et nous ne pouvons pas penser de la même manière. Par contre je vous rejoins dans votre conclusion, » les Burundais doivent se mettre ensemble pour relever ce petit pays », et surtout ne plus penser que le monde s’arrête au Burundi. Voir ce qui se passe ailleurs nous permettra toujours de nous situer.
Armel-Gilbert!
Merci pour votre information, n’oublions pas une chose la main qui demande est toujours au dessous et le monde d’aujourd’hui c’est gagnant gagnant cela veut dire quoi? Si la CI accepte d’aider le Burundi ça veut dire que eux aussi à leur tour ils auront qlq chose, vous pensez qu’il vont nous aider comme ça, sans profit? Acceptons que nous sommes des paresseux nous ne voulons pas travailler, on ne voit même pas la richesse que possède le Burundi, chacun se dit chacun pour soi et Dieu pour tous, où allons nous alors? Et vous a part de votre commentaire, le bavardage ne sert à rien seul les actes qui comptent faites que qlq chose de plus qui pourra aider les burundais mais pas certains, tous!