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« Kwa Roza », le Terminus des « malfrats »

La zone Bwiza, commune Mukaza, en mairie de Bujumbura est connue pour sa population cosmopolite, ses bars en pleine rue et ses boîtes de nuit. Néanmoins, certains endroits ternissent son image. Le cas du lieu dénommé Kwa Roza est révélateur. Un « no man’s land », où tout semble permis.  Reportage. 

Difficile de passer trois ou quatre jours sans qu’un camion ou un pick-up de la police se pointe à la 4ème avenue de Bwiza, N°58 et 60, non loin de la route pavée dit Iryamabus. Ce mardi, 28 février, un pick-up a fait monter une cinquantaine de jeunes. 

Une mise en exécution de la recommandation du ministère de l’intérieur, de la sécurité publique et du développement communautaire de lutter contre la délinquance, les ligalas et le désœuvrement.  

Et à cet endroit, dit kwa Roza, c’est le point de rencontre de plusieurs sortes de délinquants : des enfants, pardon des adultes en situation de rue, des pickpockets, des toxicomanes, etc. 

Mal vêtus, cheveux jaunis, ventres ballonnés, des enfants y grouillent. Ceux-ci, contrairement aux autres, ne connaissent pas l’école. Pieds nus, ils déambulent dans la rue, guettent des mamans en train de faire des frites de patate douce pour qu’à la moindre distraction, ils piquent un ou deux morceaux. Ainsi, avance la vie. La leur.

A cet endroit, l’hygiène manque cruellement. On vend des brochettes de porc, qu’on accompagne avec du chikwangue, cigarette au bec. Les maisons sont en très mauvais état. 

C’est aussi à cet endroit que l’on rencontre les anciennes nounous, les domestiques chassés de leur job, mais également des élèves qui sèchent les cours et cachent les uniformes dans leurs sacoches pour passer inaperçus. « Kwa Roza », beaucoup viennent chercher le chanvre et d’autres drogues moins connues.  

De jour comme de nuit, le danger guète 

« Ici, quand la nuit tombe, c’est un autre monde. Même ceux qui avaient passé la journée cachée dans ces petites chambrettes sortent. C’est le cafouillage total. Et le lieu devient très dangereux », confie I.K, un habitant proche de cet endroit, qui précise que presque tous les malfrats de la ville, de Buterere, de Buyenzi se rencontrent-là. 

Pour s’y aventurer, poursuit-il, il faut bien veiller sur tes poches : « Beaucoup de gens se sont vu dépouillés. On vole des téléphones portables surtout, des sacs à mains des femmes, des rétroviseurs des véhicules, etc. »  

Et leurs stratégies sont multiples, raconte un artiste burundais vivant dans les environs. Il y a quelques jours, il s’est retrouvé entre les mains de ces malfrats. « En fait, j’étais en train de rentrer chez moi. C’était aux environs de 20h30. Puis, deux jeunes sont venus vers moi, je pensais que c’était pour me saluer. Dans un laps de temps, ils étaient au moins une dizaine autour de moi et je me suis retrouvé par terre. Directement, ils m’ont volé mon téléphone portable et l’argent et ils se sont dispersés dans la foule », raconte-t-il. 

Les enfants qui évoluent à cet endroit ne sont pas moins dangereux. « C’était juste 7 h20 du matin. J’ai garé mon véhicule-là pour aller chercher un papier mouchoir dans une boutique d’à côté. Et j’ai oublié de bloquer les portières. Et j’ai été alerté par un élève qui se rendait à l’école comme quoi un petit gamin venait de prendre mon téléphone », témoigne Isaac, un homme qui a failli se faire voler à cet endroit. 

Heureusement pour lui, ce petit gamin n’était pas encore entré dans la parcelle : « J’ai crié au voleur, au voleur, au voleur. Et des passants l’ont attrapé. Et il avait encore mon téléphone dans ses mains. Les gens ont voulu le battre mais j’ai dit non. Car, ce n’est pas sa faute. Il est le produit de cet endroit dans lequel il vit. Comment voulez-vous qu’il ne soit pas voleur alors qu’il passe tout son temps avec des voleurs ? C’est regrettable ». 

Pour cet homme, ces enfants devraient être sauvés de cet enfer. « Avec de tels endroits, en pleine ville, attendons-nous demain ou après demain à des groupes de gangsters. Les autorités devraient fermées cet endroit », suggère-t-il. 

Du guet-apens

Plus les heures avancent, plus les stratégies changent. Une ancienne nounou aujourd’hui prostituée témoigne : « Il y a des filles qui ne sortent que la nuit. Ici, comme il y a l’ESCOTISE, on y va, accompagnées par des garçons. On doit essayer de nous maquiller pour attirer les gens, porter des minijupes. Arrivées-là, on doit rester en contact avec ces garçons, soi-disant nos époux. Et quand quelqu’un t’approche pour conclure un marché, ils suivent tout le processus », raconte-t-elle. 

Une fois le marché conclu, on lui propose d’aller dans un hôtel à la 9ème avenue. « Et en remontant la 4ème avenue, à deux, nos accompagnateurs suivent tandis que d’autres se sont déjà pointés quelque part. Et l’homme se retrouve facilement dans le piège. Et on prend son téléphone, son argent et on se sauve », indique-t-elle, sans aucun regret. Ces filles sont transformées en guet-apens pour dévaliser les gens.

Heureusement, des rescapés existent. Edmond a failli se faire voler : « Un jour, j’étais au bar dit CINQ SUR CINQ. J’ai vu une jeune fille, et je l’ai courtisé. C’était aux environs de 2 heures du matin. Marché conclu, elle m’a proposé d’aller chercher un hôtel. On est parti. Arrivés à plus ou moins 100 mètres, j’ai vu deux garçons avançant lentement derrière nous. » 

Il a eu le réflexe de les saluer. « Et selon leurs réponses, j’ai réalisé qu’ils connaissaient la fille. Et j’ai rebroussé chemin en courant », se souvient-il, indiquant que lorsqu’il est rentré le matin, il a vu la même fille à l’endroit dit Kwa Roza.

Et la toxicomanie 

A ceux qui connaissent l’odeur du chanvre, de la cocaïne, il suffit de passer aux environs pour se rendre compte que ce lieu héberge des toxicomanes. 

« Là, c’est mon endroit préféré. Il y a des amis avec qui on partage. On fume du tabac, si on veut même de la cocaïne, etc. C’est facile à en avoir. Il suffit de payer », confie Lucky, un jeune croisé à la 3ème avenue. Il a séché les cours. 

Interrogé sur la source d’approvisionnement, ce jeune garde silence. Il indique seulement que les fournisseurs sont très bien connus et ont beaucoup d’argent. « C’est difficile à dire. Mais, sachez qu’ici, on ne peut pas manquer ce produit », témoigne un autre jeune homme, rencontré à la 4ème avenue.  Il explique d’ailleurs qu’il y en a qui font semblant d’exercer des petits métiers dans les environs alors qu’en réalité, ils vendent la cocaïne. 

Il y a quelques mois, Jimmy Hatungimana, le maire de la ville de Bujumbura avait recommandé l’arrêt de toutes les activités à cet endroit.  Il avait en outre ordonné le déménagement vers d’autres endroits. Des mesures pour protéger les petits enfants qui y vivent, avait-il souligné. 

Mais, jusqu’aujourd’hui, ces mesures ne sont pas encore mises en application. Entretemps, la vie de ces enfants, des jeunes qui s’adonnent aux drogues, de ces jeunes filles, sans oublier les passants, est en danger. 

 

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