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Ku Mashetani : le plaisir en mode low cost

Situé à Musaga, entre la 2e et la 3e avenue, au sud de la mairie de Bujumbura, Ku Mashetani (« Chez les Diables ») s’est taillé une réputation dans le monde de la nuit. Bien qu’il conserve ses propres réalités, ce bar est devenu le coin branché de Musaga, où l’on peut passer de bons moments sans se ruiner. Au-delà de cet attrait, Ku Mashetani regorge d’anecdotes et de petites histoires cocasses. Un prince de la nuit y a fait un tour récemment. Voici son récit.

Le revenu d’un Burundais lambda n’est pas assez élevé pour lui permettre de s’offrir une soirée de plaisirs sans compter. Pourtant, Ku Mashetani est un havre pour ces petites gens que l’on remarque à peine : ceux qui transportent du ciment sur leur dos, ces komvwayeri qui nous interpellent à chaque arrêt du bus, ces femmes qui vendent du manioc ou des arachides, etc. C’est un monde que l’on pourrait facilement mépriser avec un regard trop critique. Pourtant, ces lieux-là, c’est ça, le « vrai Burundi ».

La luxure sans le luxe

Arrivé à Ku Mashetani un samedi soir, je suis frappé par la simplicité des lieux, mais aussi par leur ambiance : peu accueillants au premier abord, mais étonnamment vivants. La bière y coule à flots, et la musique, majoritairement tanzanienne, burundaise et issue de la sous-région, rythme la soirée.

Après une ou deux bières, histoire de m’acclimater, les allées et venues d’hommes et de femmes deviennent familières. C’est à ce moment-là que je commence à penser que ce « temple des vices » est peut-être aussi un lieu de rencontre, où des hommes viennent relâcher la pression et où des femmes cherchent de quoi nourrir leurs enfants.

Un couple attire particulièrement mon attention. Debout, chacun une bière à la main, ils discutent. L’homme murmure quelques mots à la femme, qui hoche la tête en guise de réponse. À peine ai-je détourné les yeux qu’ils disparaissent derrière le bar. Que se sont-ils dit ? Pourquoi sont-ils partis ? Nul ne le sait…

We listen, we don’t judge

Ce qui est sûr, c’est que Ku Mashetani n’a rien d’extraordinaire à l’échelle de la mairie de Bujumbura. Mais dans les coins plus reculés du Burundi, même les plus démunis croquent la vie à pleines dents. Eux aussi s’adonnent aux plaisirs charnels, parfois kuri moins cher, comme me l’a glissé celui qui m’a indiqué l’endroit. Mais peu importe le prix : le plaisir ne réside-t-il pas dans l’instant ? Et cela ne vaut-il pas pour nous tous ?

Entre les femmes exerçant le métier de travailleuse du sexe à Ku Mashetani et les escortes des grandes villes européennes, la différence est ténue. Entre les convoyeurs qui boivent des bières à bas prix et les traders de Wall Street sous cocaïne, là aussi, l’écart est mince. Ce sont des lieux comme Ku Mashetani qui offrent un refuge, une parenthèse.

Certes, la musique y est forte, et elle ne plaira pas à tout le monde. Le bar, situé tout près du pont Muha, a un aspect rudimentaire qui ferait fuir un Européen de la classe moyenne. Pourtant, c’est un univers où, si l’on se montre ouvert, l’accueil est des plus chaleureux. On discute, on boit, on rit, on danse – ce que les Burundais apprécient tant, d’ailleurs.

N’hésitez pas à vous y aventurer : on y croise de gens formidables souvent invisibles à nos yeux. Et peut-être qu’avec une ou deux bières, les barrières tomberont, et vous comprendrez qu’ils sont comme vous, simplement avec moins de moyens.

 

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