L’exercice est délicat, voire dangereux. Vu les circonstances, il en vaut la peine : savoir ce que pense réellement le président de la République de la crise actuelle. Son silence, parfois sa langue de bois, pousse certains à spéculer sur le fond de sa pensée. Le blogueur Armel Gilbert Bukeyeneza relève le défi en se plongeant dans un monde fictif, se faisant passer pour Pierre Nkurunziza.
Le monde se méprenait sur ma personne. Mais il commence à comprendre. Je commande tout. Rien ne m’échappe. Et surtout, rien ne m’effraie. Je suis avant tout un guerrier.
J’ai tout connu : la misère, la trahison, la guerre. Le pouvoir, je l’ai obtenu par le canon, non par les accords d’Arusha. Le Frodebu et l’Uprona savent que je bouffais des ignames sauvages dans la forêt de la Rusizi lors de leurs signatures. Pourtant, c’est moi que le peuple a élu.
Même si ces accords tenaient la route, combien d’années les Tutsi de l’Uprona ont-ils dirigé sans partage ? Quarante. Je n’ai même pas encore fait le tiers. Et ce sont eux qui crient au scandale !
Regardez les quartiers qui manifestent. Ils ne représentent rien. Quatre quartiers dans un pays qui compte plus de 3 000 collines. Rien du tout !
Même pas peur
Ceux qui évoquent l’idée de me faire tomber par un coup de force ignorent que je ne suis pas Ndadaye. « Ce temps est révolu. » (« Amase ya kera ntagihoma urutaro. ») J’ai une armée. Je suis le commandant suprême. Je nomme qui je veux, au poste qui me plaît. Le chef d’État dépourvu de mainmise sur l’armée, ce n’est pas moi.
Quant à mes ambitions personnelles, j’ai toujours rêvé d’être président. Après, je n’envisage rien d’autre. Je pourrais jouer au foot, soutenir les initiatives sportives, planter des ananas, des avocats. Mais aucune offre de projet sportif ou agricole, aussi avantageuse soit-elle, ne peut me convaincre de quitter le palais. Mon avenir après la présidence pourrait en outre me réserver trop de surprises, pas très agréables. Mes dix ans de règne sont jalonnés de dossiers que mon entourage craint voir exposé au grand jour.
Que le monde le sache : j’ai encore plusieurs années de gouvernance devant moi. N’en déplaise aux citadins de Bujumbura, j’ai une masse qui m’adore dans les collines. J’offre un sachet de riz ou de haricot et j’acquiers leurs cœurs à jamais.