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« J’ai été victime des images qui sont dans mon téléphone »

Trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment, c’est un vrai cauchemar qu’a vécu Serge (pseudonyme), jeune burundais, à Bujumbura entre les mains de la police. Son crime : son téléphone contenait des images de manifestations. Il raconte.

Je venais de prendre une moto pour aller en ville lorsque je suis subitement tombé sur un groupe de trois policiers qui, visiblement étaient à la chasse de tout jeune qui déambulait dans le quartier. Ils ont arrêté la moto et ont commencé à m’interroger. Des questions classiques : « d’où viens-tu, ou vas-tu, où habites-tu… ? » J’ai répondu. Ça ne leur a pas suffi. « Donne ton téléphone ! », me dira un l’un d’eux ! J’obtempérai sans broncher. Des photos des manifestations, des images de policiers qui tirent à balles réelles remplissent ma galerie…l’actu du moment ! Pour eux, une preuve irréfutable pour m’arrêter. « C’est un insurgé !», cria le même policier. Et d’avertir son supérieur, content d’avoir pris le « leader des insurgés », selon eux.

Je n’étais pas le seul

Tout près, des policiers occupés d’enfoncer le portail d’une maison où un groom vient d’entrer en courant. Le chef à qui ma tête venait d’être vendue est impassible! « Ouvrez-nous ! Sinon on y entre par la force ! » dit-il, en dégoupillant une grenade lacrymogène. Le pauvre groom n’a plus le choix et ouvre après de vives discussions. Son obéissance lui coutera très cher. Aussitôt le portail ouvert, aussitôt la première gifle encaissée. Les voisins interviennent et les policiers reviennent à moi. Craignant de subir le sort, j’explique, réexplique, jure par tous les dieux que ces images m’ont été envoyées via whatsapp et d’autres téléchargées sur Facebook. Mais ma supplication passe par une oreille et ressort de l’autre. Des coups de feu retentissent! C’est la première fois qu’une arme siffle à moins de deux mètres de moi. L’un des policiers me poussa violemment jusqu’à me retrouver par terre. Pendant quelques secondes, je perds connaissance. Revenu dans le monde des vivants, je leur demande de me poser toutes les questions possibles et de me laisser partir. Ils refusent. L’un des trois policiers, celui qui m’avait interpellé, semble tout de même gêné du traitement que je subis. « Vous devez me protéger », lui murmure-je lui saisissant par la main. « Lâche-moi. Mais reste près de moi », me répond-t-il, avant de me suggérer de demander mon téléphone pour que j’appelle à la maison. Refus catégorique de celui qui le tient. La conversion s’entrecoupe de tirs à la kalachnikov et le chef prend soin de ramasser les douilles et les jette dans les parcelles des alentours.

En prison pour des images ?

A ma grande surprise, je suis embarqué dans un pick-up où attend leur commissaire. « Nous en avons attrapé un ! », se félicite l’un des policiers en tendant mon téléphone au commissaire. Je n’arrive pas à comprendre comment je vais être emprisonné juste pour des images que je n’ai même pas prises. Le véhicule qui roule à tombeau ouvert, les tirs nourris des policiers, le vent du lac qui frappe tel un ouragan asiatique, sont d’une telle ampleur que j’ai de la nausée au point de vomir. La peur de salir la tenue bleue qui m’a tant traumatisé m’en empêche. Arrivé à l’ancien palais, boulevard du 1er novembre, le Commissaire m’appelle et me demande pourquoi j’ai été arrêté. « Ils ont juste trouvé des images des manifs dans mon téléphone ». Au commissaire de s’étonner : « Tenez, je ne regarde pas dans les effets personnels. Allez ! Rentrez! » Soulagé, je pris mon téléphone. Je disparaissais sans me retourner craignant qu’il ne change d’avis.

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