Chaque 18 juin, le monde célèbre la journée mondiale dédiée à la lutte contre les discours de haine. Au Burundi, ce problème qui est désormais devenu une des préoccupations des nations Unies devrait aussi focaliser notre attention. Malheureusement, l’histoire se répète à chaque fois que les Burundais se préparent à se rendre aux urnes pour renouveler les institutions. Comment en finir avec ce fléau ?
Ces dernières années, les discours de haines ont été souvent utilisés pour des fins politiques au Burundi. En 1993, pendant la campagne électorale, des chansons dénigrant les adversaires et l’utilisation du vocabulaire provocateur ont contribué à la crise socio-politique qui a suivi. Depuis 2013, les politiciens aux sommets des partis politiques se sont savamment servis d’un registre démoralisant. Les termes insultants comme « Kuvuga ayamuhe », un vocabulaire se référant au cri du chacal ou « mujeri » qui désigne un chien errant ont été utilisés pour caricaturer les adversaires. Récemment, lors de la campagne pour le referendum de 2018 au Burundi, certains des responsables des partis politiques ont appelé la population à la violence contre leurs adversaires politiques.
Le cas le plus célèbre restera celui d’un certain Merchiade Nzopfabarushe qui a affirmé lors d’un meeting que les opposants seront jetés dans le lac Tanganyika pour servir de nourriture aux poissons. Responsable politique du parti au pouvoir, il a publiquement menacé de mort les opposants qu’il appelait « ibipinga » : « Nous avons même fait fabriquer des bateaux. Ceux qui veulent embarquer dans le bateau, nous le leur offrons gratuitement et nous les ferons descendre dans le Tanganyika. D’ailleurs les poissons nous manquent ces jours-ci », disait-il à haute voix tout en soulignant qu’il s’agit d’un plan prévu dans toutes les communes, c’était dans un meeting sur la colline Migera en province de Bujumbura. Après ce discours, il a été arrêté et conduit en prison. Ce sont là quelques exemples pris au hasard.
Comment changer la donne ?
Si dans certains cas les personnes qui ont versé dans le discours de haine ont été arrêtées et traduites devant la justice, l’élite politique du Burundi doit travailler davantage pour éradiquer à jamais la haine dans le paysage politique. Le législateur a compris le danger des discours de haine. Selon le Code pénal du Burundi en son article 266, les auteurs des messages de haine sont punis « d’une servitude pénale de six mois à deux ans et d’une amende de dix mille à cent mille francs burundais ou d’une de ces peines seulement ».
Cela étant dit, certains pensent que les sanctions réservées à ce genre d’infractions (ce n’est même pas un crime) ne sont pas assez prohibitives. Dans une interview accordée au journal Iwacu, Me Fabien Segatwa affirme que la peine prévue pour ce crime est insuffisante. « La loi burundaise punit l’aversion raciale d’une façon très légère alors que ce crime est très grave. C’est une petite peine », reconnait cet avocat senior.
La loi seule ne suffit pas
Avec les TIC, les propos haineux pullulent sur la toile et le contrôle échapperait à la justice. Dans son document « stratégie et plan d’action des nations unies pour la lutte contre les discours de haine », l’ONU met un accent particulier sur l’éducation à la lutte contre les discours de haine. Le troisième des principes adoptés par les nations unies pour mener à bien cette lutte est plus clair : « Les entités des Nations Unies doivent appuyer une nouvelle génération de citoyens internautes en leur donnant les moyens de repérer les discours de haine, de les dénoncer et de s’y opposer ». Le Burundi devrait-il donc s’appuyer sur l’éducation des masses tout en mobilisant toutes les parties prenantes pour mener une lutte efficace contre ce fléau.
Si la lutte contre les discours de haine n’est pas aisée, le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guteres reste optimiste. « Nous avons le pouvoir et le devoir de sensibiliser le public aux dangers qu’ils représentent ainsi que de faire un travail de prévention et d’oblitérer ces discours sous toutes leurs formes », affirme-t-il dans son message à l’occasion de la récente journée internationale de lutte contre les discours de haine.
A 2 ans des échéances électorales, la célébration de la journée internationale de lutte contre les discours de haine devrait être une occasion pour les politiciens burundais pour s’essayer à une séance d’introspection pour éviter aux Burundais de revivre les heures sombres qu’ils ont vécus.