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« Gutwikurura », virginité et vision rétrograde des cérémonies nuptiales

Dans notre société, lorsqu’on évoque la virginité, bien des passions se déchaînent. Une certaine mentalité persistante associe la vertu de la femme à la virginité. La coutume (qui tend à s’estomper) veut que la femme reste vierge jusqu’au jour du mariage. Sauf que ceux-là même qui dépucèlent les filles sont considérés comme des braves. Et si nous remettions les pendules à l’heure ? Les propos du pasteur Mbayahaga ont ulcéré notre blogueuse.

Aux alentours de 22 heures, je reçois sur mon téléphone un message d’un ami : une vidéo du célèbre pasteur Isidore Mbayahaga qui s’exprime sur les cérémonies de « gutwikurura » (levée de voile) fait le buzz. L’ami me demande de réagir sur le discours du « gardien des brebis ». Je ne suis pas très emballée par l’idée de commenter les propos d’un représentant de Dieu sur terre.  Mais les arguments du pasteur me font sortir de mes gonds après avoir visionné la vidéo. «  Pourquoi assister à la levée de voile alors que les mariées ne sont plus vierges », s’indigne le berger.

Jadis, plusieurs rites allaient dans ce sens. Pour vérifier si sa femme était vierge, le marié s’en tenait aux draps tachés de sang et informait sa famille par ces mots : « Nsanze ari umushike » (Elle est vierge) ou « Nasanze zaronye » (Elle n’est pas vierge).

L’amour va au-delà de la sexualité

Au 21ème  siècle, déterrer ces traditions qui rabaissent la femme est malsain. La vertu de la femme ne doit pas être réduite à sa virginité. La valeur de la femme ne devrait pas être évaluée à travers son hymen, loin de là. C’est frustrant d’entendre ces propos dénigrants et moqueurs de la part d’un ‘’représentant de Dieu’’. « Aujourd’hui, toutes les filles ont fait une hémorragie interne », profère-t-il de sa voix goguenard et ironique pour ridiculiser les filles qui ne saignent pas pendant la nuit des noces. La tradition est plus que la somme des valeurs vieillies et rétrogrades, n’en déplaisent à ceux qui ont fait du phallus un instrument de dictature. Les fondements de certains rituels ne sont-ils pas à remettre en question ? Par exemple, c’est une erreur de croire que toutes les filles vont saigner lors de leur premier rapport sexuel. L’hymen (ince en Kirundi) peut parfois s’étirer au lieu de se déchirer, donc ne pas entraîner de saignement. Ce qui veut dire que ceux qui ne saignent pas n’ont pas forcement été déflorées, M. Mbayahaga. Même si elles étaient déflorées, est-ce à vous de leur jeter l’opprobre ? 

Les gardiens de brebis qui touchent un large public ont le devoir de peser leurs mots et d’éviter des opinions personnelles rabaissantes en public (peut-être même en privé). Je ne comprends pas pourquoi insister sur la virginité de la mariée au lieu de partir sur des valeurs qui vont aider les jeunes mariés à entretenir la flamme de l’amour que le Dieu des hommes exhorte par ailleurs. Après tout, l’amour va au-delà de la sexualité, c’est mon humble avis, M. le pasteur. 

Les hommes de Dieu prêchent l’abstinence, et je ne vais pas leur jeter la pierre pour ça.  Mais est-ce à dire qu’ils ne bénissent pas l’union d’un couple dont un des membres n’est plus vierge ou puceau ? 

Réinstaurer « igisumanyenzi » ?

Je me souviens encore des paroles d’un proche : « Il faut qu’une fille soit vierge jusqu’au mariage. Applique ce conseil que je te donne et ton mari va te respecter ». Quelles absurdités ! Je crois que toute femme ou tout homme est digne de respect. Pourquoi nous permettre de juger et de dénigrer les autres aussi gratuitement, nous qui sommes aussi des pêcheurs? Celui qui n’a pas eu de relations sexuelles hors mariage a peut-être volé, menti ou même tué M. Mbayahaga.

Les chrétiens se rappellent sans doute de la réponse de Jésus devant la haine des pharisiens envers la femme adultère : « Que celui d’entre vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle. » (Jean 8)

Et les hommes dans tout ça? Puceaux ou pas, ils ne seront jamais pointés du doigt dans cette société patriarcale. Avant de crier haro sur la défloraison des femmes, ils devraient peut-être s’interroger sur ceux qui les dépucèlent. Bien plus, les besoins sexuels qu’un homme éprouve sont les mêmes que ceux d’une femme.

L’époque d’ « Igisumanyenzi » est révolue. Autrefois, les filles qui tombaient enceintes avant le mariage étaient abandonnées dans une fosse pour être châtier. Voudriez-vous, M. Mbayahaga, réinstaurer « Igisumanyezi » pour y jeter celles qui tombent enceinte aussi ? Les temps ont changé, mais c’est décevant de constater que les mentalités n’ont pas bougé d’un iota comme nous pouvons le constater à travers les proverbes qui ont encore pignon sur rue comme : « Umugore umwe ni nyoko. » (un proverbe qui justifie que l’homme n’a du respect que pour sa mère et qu’il est légitime de tromper sa femme). Cela a au moins le mérite de rappeler le combat que doivent mener les femmes afin que les traditions rétrogrades cèdent la place à leurs droits.

 

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Les commentaires récents (4)

  1. Arrêtons de confondre les choses, le péché est péché, qu’il soit commis par un homme ou une femme. Ces propos du Pasteur, comme le font encore bcp d’autres femmes ne font que ramener la femme à son rôle d’objet pour homme, c’est dégoûtant !!!!

    1. Ne confondons pas les choses. Ce n’est pas pcq il y a d’autres péchés que s’insurger sur celui de la non virginité devient immoral!!! Non chères sœurs, la virginité d’une jeune fille signifie bcp de choses: le courage devant la tentation..kwigumya, le respect de l’éducation parentale, la manifestation d’un amour authentique pour son futur époux…etc. c’est tout ce paquet qui englobait la notion de virginité. Quand à dire que les mœurs évoluent…effectivement..mais pas toujours dans le bon sens. Donc chères sœurs ne faites pas du dépucelage une simple question de routine juste pour s’envoyer en l’air. Ça serait trop dégradant.
      Paix pour tous.