L’établissement scolaire très en vue de Gitega est dans la tourmente depuis que les élèves ont décidé de brûler le bloc des bureaux de l’administration. Comment une bande d’adolescents a-t-elle pu tromper la vigilance des agents de sécurité pour saccager une des écoles les plus chères du pays ? Le moins que l’on puisse dire est que l’affaire est loin d’être close. Au moment où nous publions ce papier, ce vendredi 31 octobre 2025, nous savons que sept des élèves arrêtés dorment désormais à la prison centrale de Gitega, douze d’entre eux étaient sur le point d’être conduits à la prison pour mineurs de Ruyigi. Autant dire que les choses se compliquent. Nous continuons de suivre le développement des événements.
Le rappel des faits. Nous sommes dans la nuit du 25 au 26 octobre. Les bureaux administratifs de Green Hills International College de Gitega prennent feu. Un confrère de la RTNB qui était sur place nous en dit plus : « Vingt-cinq élèves du Green Hills International College, situé au quartier Bwoga dans la province de Gitega, ont été arrêtés par la police. Ils sont soupçonnés d’avoir saccagé le bloc administratif, dont le bureau du directeur de cette école, incendié complètement, et cassé des vitres des salles de classe. » Rapportant les propos du directeur de l’internat de cette école, notre confrère écrit qu’un groupe d’élèves portant des masques a utilisé de l’essence pour mettre le feu aux locaux. Le sinistre a détruit tous les dossiers administratifs, les meubles, les machines et les documents du personnel, ainsi que la télévision qui conservait les images issues des caméras de surveillance se trouvant dans le bureau du directeur.
Une affaire pas si simple que ça
Si certains ont pensé que c’étaient les caprices de ces enfants de riches qui n’en font qu’à leur tête, l’affaire ne semble pas aussi simple. Reniflant une embrouille dans ce dossier qui se cache derrière cette « grève violente », un reporter a posé son balluchon à Gitega pour mener sa petite enquête. Sauf que tout ne s’est pas passé comme prévu et qu’il a dû recourir à l’art de la débrouille pour glaner quelques informations. La piste du directeur tarit très vite, car il estime que l’école a assez communiqué sur ce sujet.
Une encadreuse, qui avait au départ cédé grâce à l’art de persuasion du paparazzi, a pris les jambes à son cou quand elle a su le sujet que le journaliste voulait aborder. Pas une once de théorie ne pointe à l’horizon après des heures d’entretien avec diverses sources. Une seule a daigné expliquer qu’en fait l’école est divisée en deux filières : l’une francophone, qu’on appelle Vision, l’autre anglophone. Les deux partagent la même école, mais l’enseignement est séparé, les locaux aussi. Nous apprenons donc que Vision devait jouer au basketball avec l’École internationale de Gitega au terrain de Kirimiro. C’est Noël avant l’heure pour notre fouineur.
Rien ne présageait ce qui s’est passé
Au terrain de Kirimiro, on aborde plusieurs élèves et l’un finit par accepter de parler. « Je ne comprends pas ce qui s’est passé. Il y a eu un mouvement d’humeur des élèves qui n’étaient pas contents du morceau de pain qui leur était servi le matin. La direction a vite pris la mesure de servir deux morceaux. Plus tard, certains se sont plaints de la position d’une des caméras qui était orientée vers les douches des filles : elle a été retirée. Bien sûr, il y a eu cet élève qui a été chassé de l’école parce qu’il avait été pris la main dans le sac, en possession de cannabis. Mais personne ne croit que son seul cas ait pu déclencher cette terrible tempête qui vient de secouer l’école. »
Il indique en outre que les élèves sont toujours en détention et qu’il faut attendre la fin des enquêtes pour savoir exactement ce qui s’est passé. Sentant qu’il n’y avait rien à tirer de plus de cette source, le fouineur quitte les lieux. Entre-temps, d’autres sources lui ont indiqué que Green Hills International College n’est pas n’importe quelle école. C’est l’établissement des nantis : 9 millions de Fbu par an pour fréquenter la section anglophone et 4 millions pour la section francophone. Ce sont les gosses de riches qui la fréquentent. Et cela pourrait peut-être avoir influencé le déroulement de l’affaire, car six des vingt-cinq élèves initialement arrêtés ont été relâchés. D’ailleurs, une source très prudente nous a fait savoir que certains pontes du régime sont venus discrètement s’entretenir avec ceux qui conduisent les enquêtes. Cette même source nous a indiqué que les enquêteurs se sont même intéressés aux vigiles qui étaient de garde le jour fatidique.
On l’avait senti venir
Vers le soir, une autre source, ayant fortement sollicité un anonymat le plus total, accepte de parler. Nous l’appellerons David, un des membres du staff de ladite école. Le témoignage qu’il a fourni est intéressant. Il a confirmé qu’il y avait un mécontentement qui couvait chez les élèves depuis l’installation des caméras. Certaines ont d’ailleurs été arrachées par les élèves. Ceux qui ont été identifiés ont été punis. Les autres, qui gênaient les élèves, avaient été enlevées à la demande de ces derniers. La direction de l’école a même procédé à un sondage pour comprendre l’origine du malaise. Ce qui est ressorti de ce sondage concernait surtout l’alimentation. Pourtant, malgré l’augmentation des miches de pain servies, le mécontentement a continué, à cause des élèves qui avaient été renvoyés. D’ailleurs, il y a eu une journée qu’on pourrait qualifier « d’école morte », car les élèves se sont enfermés dans les dortoirs et ne se sont pas présentés dans les salles de cours. Ils ont ensuite sollicité un entretien avec le représentant légal, par le biais du délégué général. Avant qu’ils ne soient reçus, la grève violente éclate dans la nuit du 22 au 23 octobre 2025.
Une certaine rumeur qui circulait à Gitega disait que les élèves avaient été manipulés de l’extérieur, parce que Green Hills International College de Gitega a suscité des jalousies et des rancunes : il a récupéré les élèves d’autres écoles prestigieuses connues et a débauché certains membres de leur staff. Quand nous lui avons posé la question, notre source n’a pas nié cela et a reconnu qu’il avait déjà entendu cette rumeur. Mais il n’est pas allé jusqu’à affirmer que cela serait à l’origine de l’incident qui a éclaté.
Les développements de l’affaire
Quand nous terminions la rédaction de ce papier, nous avons appris que quatre garçons et trois filles âgés de 18 ans et plus avaient été conduits à la prison de Gitega. Les douze autres, moins âgés, allaient être conduits à la prison pour mineurs de Ruyigi. Les parents des élèves en détention ont été surpris par l’enchaînement des événements. L’un d’eux, qu’on a pu contacter, nous a indiqué que les parents s’étaient convenus avec les autorités judiciaires chargées de l’affaire que chaque élève allait payer 4 685 500 Fbu (89 millions de Fbu au total) pour réparer les dommages causés par les actes violents des élèves, avant d’être libéré. Dix d’entre eux s’étaient déjà acquittés de cette somme, ce mercredi 29 octobre 2025, d’après le parent contacté. Il ne comprend pas ce qui a pu se passer et ce qui a poussé les personnes en charge du dossier à faire volte-face. De toute évidence, on s’achemine malheureusement vers un procès.
Une affaire à suivre…
 
 