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Le gospel, dernier pont entre deux pays en froid ?

Un vent de discorde souffle sur les relations entre le Burundi et le Rwanda depuis un certain temps. Mais au cœur de cette tempête, le gospel, très en vogue dans les deux pays, se révèle comme un lien indéfectible, un véritable cordon ombilical liant le destin des deux nations, malgré les turbulences diplomatiques qui opposent ces pays frères.

Cela fera bientôt un an et demi que les frontières entre le Burundi et le Rwanda sont fermées pour la deuxième fois depuis 2015. Les relations politiques, quant à elles, ne sont pas au beau fixe (c’est un euphémisme, vous l’aurez compris). Sur les réseaux sociaux, notamment X (anciennement Twitter), les discours de haine fusent de part et d’autre, empirant un climat déjà délétère.

Dans ce contexte de tension, la situation sécuritaire en RDC vient ajouter de l’huile sur le feu, impliquant directement les deux nations dans un échiquier diplomatique de plus en plus complexe.

Et pourtant, qui aurait cru, en écoutant les discours des politiciens, que Burundais et Rwandais continueraient à mener ensemble des activités capables de les rassembler ? Chaque dimanche, sauf empêchement, je me rends à un culte de 9 h dans une église de Bujumbura, une routine que je partage sûrement avec bon nombre de mes compatriotes. Ceux qui connaissent le déroulement des cultes protestants comprendront : la louange commence souvent par des ballades de type worship, avant de laisser place à des chants gospel up-tempo.

Un dimanche, je me suis lancé un petit défi : compter les chansons burundaises et rwandaises interprétées pendant toute la durée du culte. À ma grande surprise, les morceaux du Rwanda dominaient ceux du Burundi.

Les fidèles chantaient avec ferveur, leurs voix s’élevant à l’unisson pour glorifier Dieu à travers les chansons rwandaises faisant vibrer l’assemblée. J’ai songé à la tension politique et diplomatique entre nos deux pays. Malgré tout cela, les deux peuples restent unis à travers ces chants célébrant la gloire divine.

Des voix qui ne connaissent pas de frontières

Concerts, collaborations artistiques, invitations croisées : les échanges entre artistes gospel burundais et rwandais ne faiblissent pas. Ces tubes empreints de spiritualité et d’émotion transcendent les barrières, rappelant à chacun que l’harmonie peut surgir même au cœur de l’adversité.

Il y a un an, Victorious Team et Gaby Kamanzi nous ont offert un duo remarquable avec la chanson Nkoresha. Pastor Lopez, figure emblématique du gospel burundais, et Prosper Nkomezi, artiste de renom du Rwanda, ont récemment réalisé un live recording à Kigali. L’église Shemeza Worship Temple invite régulièrement Prosper Nkomezi. Lors de la célébration du dernier Nouvel An, il était même l’invité d’honneur. Pastor Lopez, lui, a été invité à se produire au Rwanda à deux reprises l’an dernier, tout comme le groupe Redemption Voice bien connu dans l’écosystème gospel.

Néanmoins, il faut noter que ces collaborations ne se font pas dans des conditions normales. Avec les frontières terrestres toujours fermées, les déplacements sont compliqués, le coût de transport ayant presque doublé. Cela est devenu un véritable fardeau pour les artistes. Mais ils tiennent bon.

Ces échanges culturels sont l’expression d’un profond désir de paix et d’unité entre les deux peuples. Le gospel, et l’art en général, s’affirme ici comme une voie royale vers la réconciliation, une force capable de transcender les différends politiques. C’est la preuve que la musique peut être un puissant vecteur de changement capable de rapprocher les âmes et les peuples, même dans les heures les plus sombres.

 

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