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Gatumba : la santé mentale des adolescents, victime collatérale des inondations

Deux ans après les inondations dans cette localité frontalière avec la RDC, les adolescents semblent les plus traumatisés, craignant aussi pour leurs proches. Reportage

13h. Nous sommes en zone Gatumba de la commune Mutimbuzi, à l’ouest de la ville de Bujumbura. Les traces des dernières inondations sont encore visibles sur les murs des maisons et les poteaux électriques. 

La peur de nouvelles vagues inondations est palpable. Dans certains endroits, des barrières faites de sacs de sable se trouvent encore devant certaines maisons d’habitation. Parmi les personnes traumatisées par les inondations figurent les adolescents qui semblent souffrir davantage. Ils sont confrontés à la peur de la mort pour eux ou leurs proches. 

« Je n’aurais jamais pu imaginer que le souvenir des inondations me hanterait même après deux ans », confie  Goreth Tuyisenge, 17 ans, originaire de Shasha I.

Depuis qu’elle a dû fuir les lieux de l’inondation, cette jeune fille témoigne que sa vie a été totalement chamboulée : « Des bienfaiteurs nous sont venus en aide en nous octroyant de la nourriture et des vêtements. D’autres nous ont fourni des tentes pour construire des abris, mais rien de tout cela ne m’a apporté la paix intérieure.»

 Des nuits cauchemardesques…

Perdue dans ses pensées, elle révèle être en proie à des cauchemars consécutifs à ces inondations : « La nuit tombée, mon calvaire commence. J’ai peur que les eaux puissent nous submerger durant notre sommeil et emporter nos vies et celles de toute la famille. » Tous les jours, l’adolescente rêve de gens qui crient qu’il faut sortir de la maison, que l’eau s’est infiltrée partout.  

Avant les inondations, Goreth avait l’habitude de se réveiller à l’aube. Aujourd’hui, elle se réveille quatre fois durant la nuit et assure revivre dans ses cauchemars le jour des inondations, la façon dont elle et sa famille ont dû fuir leur maison en courant.  Sa capacité d’apprentissage en est impactée : « Je n’arrive pas à bien suivre les leçons en classe du fait que je suis toujours en état de fatigue. » 

Jacqueline Barakamfitiye, la mère de Goreth, ne sait pas à quel saint se vouer : « Elle ne se rappelle pas de tout. La nuit, elle pousse des cris, disant que les eaux se sont infiltrées partout dans les maisons et demande aux gens de sortir. Cela lui arrive assez souvent.» 

Le traumatisme des inondations est toujours là…

Claude Ndikuriyo, 18 ans, fait savoir qu’après les inondations, sa famille est retournée à la maison. Cependant, il avoue qu’après les inondations, il ne passe plus la nuit à l’intérieur de la maison. « Le premier jour où j’y ai dormi, il a plu. Et j’ai fait un cauchemar où je voyais la maison s’écrouler sur moi », confie-t-il. Depuis cette nuit-là, mû par la peur, Claude s’est construit une tente devant la maison. C’est là qu’il passe désormais ses nuits. 

Le traumatisme dû aux inondations ne concerne pas que les enfants qui sont restés à Gatumba. Il frappe également les victimes installées dans le site Sobel situé à plus d’une dizaine de kilomètres du centre-ville de Bujumbura

Sylvestre Iteriteka habitait Mushasha I. Cet adolescent de 13 ans se dit être envahi par le souvenir des inondations : « Parfois, pendant la journée, le souvenir de ce que j’ai vécu me revient de façon répétitive. Mes nuits sont parfois peuplées de cauchemars dus aux inondations. Je me réveille en pleine nuit après un cauchemar.»   

Idem pour sa maman, Solange Nduwimana, dont la nuit n’est pas synonyme de repos. Ses enfants se redressent brutalement dans le lit et poussent des cris perçants : « Regardez la maison de notre voisin s’est écroulée! » 

Parfois quand la pluie tombe la nuit, raconte Solange Nduwimana, les enfants hurlent que les tentes vont s’écrouler. Cette mère a même pensé avoir affaire à des démons au point de faire appel à des gens pour prier.

Nécessité des séances de thérapie

« Les enfants, à cause de leur fragilité, que ce soit sur le plan physique ou psychologique, sont les plus vulnérables et susceptibles de développer des troubles concomitants à ces événements. Leur résilience n’est pas encore développée », explique Josette Kankindi, psychologue et membre de la plateforme Psychologues sans Vacances, avant d’ajouter : « Ces enfants ont vu leur quotidien chamboulé par les inondations. Ils ont perdu leurs repères et sont, de surcroît, confrontés à une vie très difficile dans les sites. » Elle préconise des séances de détraumatisation et un accompagnement psychologique en milieu scolaire. 

Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (IOM), le Burundi fait partie des 20 pays les plus vulnérables au changement climatique. De janvier à avril 2022, il comptait plus de 84 000 déplacés interne, avec plus de 91 % des déplacements causés par des catastrophes naturelles.  Parmi eux, 55 % de ces victimes étaient des femmes et 56 % étaient des enfants de moins de 18 ans. En 2021, 113 469 personnes ont été affectées par des catastrophes naturelles, dont 35 727 déplacées.

 

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