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Fuite de cerveaux : le tour des enseignants ?

La fuite des cerveaux, ce n’est pas seulement pour aller vers l’étranger. Le Syndicat national des enseignants du Burundi (SYNAEB) tire la sonnette d’alarme. Beaucoup d’enseignants commencent à déserter les salles de classe, poussés par la précarité. Récemment, un blogueur a croisé l’un d’eux qui s’est reconverti dans la vente des téléphones mobile au marché de Kinama. Il raconte.  

Tout a commencé un matin, alors que j’allais acheter un téléphone. Un ami m’a conseillé d’aller au marché de Kinama, à un endroit appelé Bata. C’était la première fois que je mettais les pieds dans ce quartier. Dès mon arrivée à cet endroit, j’ai été happé par une effervescence qui m’a rappelé celle du marché de Kamenge.

Les vendeurs jonglaient habilement entre le swahili et le kirundi pour attirer les clients. Ça criait, ça marchandait, ça riait fort…Tout d’un coup, un téléphone exposé derrière la vitrine attire mon attention. C’est ainsi que je me retrouve face à Innocent (nom d’emprunt), un vendeur de téléphones.

Le choix malgré lui

Après quelques échanges et négociations, nous tombons en accord sur le prix. Un homme derrière moi interpelle Innocent d’un ton familier : « Ubu uriko uririra amahera yo kuri Bata akazi ko kwigisha warataye ?» (Maintenant tu récoltes l’argent de Bata, tu ne vas plus enseigner, n’est-ce pas ?). Intrigué, je me suis permis de poser la question : « C’est vrai ? vous avez quitté l’enseignement pour venir vendre des téléphones ? » Et de répliquer : « Quand j’étais enseignant, j’étais toujours endetté. À chaque fin du mois, le salaire servait uniquement à les rembourser. Avec ma femme, nous avons décidé de chercher une alternative pour survivre. Nous avons commencé à acheter et revendre des téléphones ici, comme les autres « bataceurs ». Progressivement, notre capital a augmenté. Aujourd’hui, j’importe des téléphones de Dubaï et je gagne en une semaine ce que je gagnais en un mois comme enseignant », raconte Innocent. Un cas loin d’être isolé.

S’endetter pour survivre

Le découvert, le crédit, l’avance sur salaire, tels sont les mots utilisés pour conjurer la réalité de la vie difficile de certains enseignants. A la boutique du quartier, c’est le fameux Nyandika (inscris-moi sur la liste des dettes, je vais payer plus tard). La pénurie du carburant, est venue ajouter sa partition dans le chant macabre de la spirale consécutive à la précarité chez les professionnels de l’enseignement.

Les élèves en paient les frais

Ce n’est plus un secret, même les chiffres en témoignent, la qualité de l’éducation burundaise est en chute libre. A titre d’exemple, sur plus de 2 800 élèves de l’école post-fondamentale ayant passé l’examen d’État en 2023–2024, seulement 820 ont réussi, soit un taux de 28 %. Or, cette fuite des enseignants a des répercussions directes sur la qualité de l’éducation, car elle dépend fortement de la motivation et des conditions de vie des enseignants.

Le système éducatif burundais perd de plus en plus en performance, ce qui n’est pas sans conséquences sur le pays. Une vidéo récemment produite par Yaga dressait un tableau alarmant de la situation dans les écoles fondamentales et post-fondamentales.

Par conséquent, les enseignants qui restent en poste doivent faire face à des classes surchargées, et une gestion compliquée. Le Ministère en charge de l’éducation devrait prendre cela comme une alarme, et prendre conscience que chaque enseignant qui quitte la salle de classe emporte avec lui une partie de l’avenir du pays. Si rien n’est fait, c’est toute une génération qui risque de grandir sans les outils nécessaires pour affronter le monde de demain qui est en mutation.

 

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Les commentaires récents (2)

  1. L’inflation qui se manifeste dans notre pays n’a pas touché seulement les enseignants mais tous les fonctionnaires de la fonction publique.
    C’est pour cette raison que beaucoup de fonctionnaires font semblants de travailler car ils essaient de combiner le travail et les autres activités génératrices de revenu.