Le Burundi applique une politique salariale qui prolétarise les agents et fonctionnaires de l’Etat. Alors que le gouvernement a supprimé toutes les primes et indemnités, et gelé les annales des fonctionnaires depuis 2015, le salaire des hauts fonctionnaires n’a cessé d’augmenter passant de 300 mille à plus de 3 millions de Fbu pour les membres du gouvernement, en moins de 20 ans. Décryptage.
Selon les récentes données de la Banque Mondiale, le revenu mensuel par habitant au Burundi est de 23 $ contre 153$ de la moyenne africaine. Les agents et les fonctionnaires de l’Etat sont durement frappés par la misère. Face à la montée des prix des produits de base, la vie devient de plus en plus intenable pour eux.
Une mission de la Banque Mondiale vient de séjourner au pays. Elle a fait un constat alarmant : la banque centrale est à sec, pas de devises alors que le pays vit des importations. Le pays manque cruellement de carburant, de médicaments et de produits alimentaires.
La politique salariale appliquée dans les services publics est une politique inadaptée aux besoins des agents et fonctionnaires de l’Etat, note un spécialiste du droit du travail. Pour lui, cette politique repose sur des disparités des statuts pécuniaires découlant d’une multiplicité de statuts administratifs tenant compte des particularités de certains services de l’Etat.
C’est à ce titre que l’article 159 de la constitution accorde des statuts différents au personnel des corps de défense et de sécurité, du parlement, de la fonction publique, de la magistrature, des offices ministériels et des auxiliaires de la justice.
« C’est une politique qui place les bénéficiaires dans une situation de paupérisation et nombreux d’entre eux s’adonnent à des pratiques de corruption, de détournement des deniers publics, de retard et d’absence au travail », déplore un responsable syndical.
Des lois de paupérisation
Le communiqué du Conseil des ministres, du 18 octobre 2023, a noté que « l’organisation des institutions à statuts spéciaux montre une grande disparité dans le mode d’avancement selon les grades ».
Le déblocage selon les grades, précise ledit communiqué, risquerait de conduire vers un fossé qui ne permettrait plus d’adopter une politique salariale équitable dans les institutions à statuts spéciaux.
La Confédération des syndicats du Burundi se dit consternée par cette décision du Conseil des ministres de suspendre les modalités de la levée du gel des annales et l’harmonisation du mode d’avancement.
D’après la Cosybu, ce sont les articles 98 de l’Organisation internationale du travail et les accords signés en 1984 entre l’Union des travailleurs du Burundi et l’Association des employeurs du Burundi qui ont été violées par la suspension de la levée du gel des annales, décrétée par le président de la République le 1er septembre 2023. Le dégel des annales avait été annoncé à la fin du mois d’octobre 2023 par le ministre en charge des finances.
En attendant, les anciens barèmes restent applicables, à raison de 16.133 Fbu pour les salaires de base les plus bas à l’armée et à la police, soit l’équivalent de 5,6 dollars américains contre 1.640. 000 Fbu, soit 578,8 dollars américains rémunérés aux magistrats de la cour anticorruption et de son parquet général.