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La femme et la politique : un couple mal assorti ?

Au pays de Ntare Rushatsi, la gente féminine est moins représentée dans les instances de prise de décision des partis politiques. Or, ces derniers servent de tremplin vers le pouvoir.  Ces structures politiques offrent-elles vraiment (assez) d’opportunités aux femmes ? Cette blogueuse se pose la question. 

Les partis politiques sont les pourvoyeurs de responsables chargés de la « gestion de la cité » dixit la loi burundaise. Quand je lis cette phrase, une discussion faite avec une femme originaire de Gitega issue de l’Uprona me revient en tête : « Il n’y a pas de femmes pour porter les préoccupations des autres femmes car elles sont quasi inexistantes dans la direction des partis ». Pour être honnête, ces propos m’ont poussé à me poser beaucoup de questions. 

On est bien d’accord que les femmes représentent plus de la moitié de la population burundaise. Alors, comment peut-on ignorer la fondation et espérer construire un édifice solide ? Si les partis politiques ne comptent pas assez de femmes dans leur direction, c’est sûr qu’elles ne vont occuper les postes politiques. Cette opinion est partagée par la COCAFEM qui affirmait en 2017 que « si ces organes qui prennent les décisions, y compris celles relatives au positionnement sur les listes électorales et la nomination aux postes de décision, n’impliquent pas les femmes, il est certain que ces dernières et leurs préoccupations seront peu ou pas  prises en compte ».

Comment se présente la situation réellement ? 

Commençons par le parti au pouvoir. Deux des six membres du secrétariat national appartiennent à la gente féminine, mais seule une femme se trouve dans la représentation du parti au niveau provincial, dixit la porte-parole de ce parti Nancy Mutoni. Pour ce qui est du parti Frodebu, au sein des comités des provinces, sur sept membres, il y a 3 femmes tandis qu’un seul comité provincial est dirigé par une femme, celui de la province Bururi.

Quant au parti Uprona, certes, une femme a déjà été élue à la tête du parti mais aujourd’hui aucune représentation du parti dans les provinces n’est dirigée par une femme. Cela étant dit, 10 des 119 secrétaires communaux sont des femmes. Le CNL lui, compte au moins trois femmes dans les représentations provinciales.

 J’ignore si c’est la déception ou la rage qui m’assaille à cause de ces chiffres, mais les questions augmentent au lieu de diminuer. Une seule me brûle les lèvres…

Qu’est-ce qui explique cette sous représentation des femmes ?

Thérence Manirambona porte-parole du parti CNL ne mâche pas ses mots : « Plein d’hommes n’ont pas encore intégré le fait que les femmes méritent leur place au sein des partis politiques. Ils les perçoivent plutôt comme celles qui sont là parce que la loi l’exige et donc pour remplir les quotas concernant le genre. Et la conséquence est que, quand elles prennent la parole, leurs idées sont étouffées ». Cette opinion, il ne semble pas la partager avec Pierre Claver Nahimana, président du parti Frodebu.

Pour lui, le frein de la femme n’est pas l’homme mais la femme elle-même : « Chez nous, nous faisons les élections des organes dirigeants. Très peu de femmes ont le réflexe de se faire élire. Pourtant, le peu de femmes qui se portent candidates sont souvent élues. Il faut qu’elles osent se porter candidates dans ces postes ». 

La politique et « ubupfasoni » ne sont incompatibles

Indero ivakuziko ! Le sociologue Lambert Nikoyandemye, lui, est convaincu que les racines de ce problème remontent de très loin : « Tout est lié à l’éducation qu’elles ont héritée. Cette éducation qui les pousse à rester à la maison, à travailler sans trop se faire remarquer. Si on accordait aux femmes dès leur bas âge autant de places et de chances qu’aux hommes, elles seraient représentées à un degré plus ou moins paritaire »

Notre société façonne les femmes en prototype d’une « mupfasoni ». Ceci en conséquence fait qu’elles n’osent pas se lancer dans la politique pour ne pas risquer de porter l’étiquette de « ishirasoni ». Cet avis est aussi celui Nancy Mutoni citée plus haut. 

Avec ces différentes réponses reçues, je me suis rendu compte que cette question du genre dans les instances de décision au niveau politique est bien plus complexe que je ne le pensais, surtout lorsque Mathilde (nom d’emprunt), adepte du parti CNL m’a dit qu’entre tradition et responsabilités, il n’y a pas qu’un pas malheureusement : « Mon mari m’a demandé de choisir entre mon mariage et mon parti ! Selon lui, je mettais en danger toute la famille ! Il me répétait sans cesse que les partis politiques sont remplis de magouilles, que plus haut on est placé dans les organes du parti, plus exigeant sera le combat. J’ai dû renoncer à la politique pour sauver mon mariage », a-t-elle confiée. 

La route est encore longue, mais heureusement tous ces partis disent mener des campagnes en faveur de l’inclusion de la femme dans la sphère de prise de décision. Espérons que leurs actions produiront bientôt des résultats.

 

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