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Exode des médecins : quand la communauté s’unit pour stopper la saignée

À l’heure où la question de l’exode des médecins reste une énigme difficile à résoudre au Burundi, la pénurie de médecins devient de plus en plus prégnante en zone rurale. La population de Bugendana et Mutaho, au lieu de rester bras-croisés face à cette désertification médicale, s’est unie pour un objectif commun : en finir avec le manque de médecins à l’Hôpital de District Mutaho. Pourquoi et comment ? Récit.

S’il y a bien une chose qui fait peur, c’est de tomber gravement malade et de ne pas trouver un médecin disponible pour se soigner. Voilà la triste réalité que l’exode des médecins a créée à Mutaho et Bugendana. Pourquoi ces deux communes ? Simplement, parce que les habitants des deux localités se font soigner à l’Hôpital de District Mutaho.  Or, de toute la province de Gitega, ce dernier a été le plus touché par l’exode des médecins. Pourquoi ? De un, parce qu’il est l’unique et seul Hôpital à 100 % public dans cette province. Les autres hôpitaux comme Mutoyi, Kibimba, Kibuye, Ntita, Sainte Thérèse sont des hôpitaux confessionnels, tandis que l’Hôpital Régional de Gitega a une autonomie de gestion.

Cela sous-entend que sur le point des salaires des médecins, c’est le seul hôpital qui n’avait aucune manœuvre du point de vue salarial, pour retenir les médecins qui s’en allaient.

De deux, malgré le fait qu’il y ait un home gratuit pour les médecins et une accessibilité routière via la RN 15, Mutaho est resté un coin rural, défavorable pour le peu de médecins qui restaient sur le territoire, qui préfèrent s’installer dans les zones urbaines dynamiques où les opportunités et les conditions de vie sont favorables.

La croix et la bannière

Attirer un docteur dans un coin reculé comme Mutaho était devenu la croix et la bannière au grand détriment des patients.

« Il y a eu un moment où seul le médecin Directeur est resté pendant plus de deux mois. Il devait faire à lui seul toutes les consultations, les urgences, les césariennes, les échographies et la visite des patients en hospitalisation. À vrai dire, c’était déplorable », confie Perpétue Ndayizeye, une commerçante de Mutaho.

Cela alors a entraîné une détérioration des soins de santé. « Les patients en hospitalisations n’étaient plus suivis comme il fallait. Il y avait des longues journées d’attente pour les consultations en échographie pour nos sœurs et mères, sans oublier l’impossibilité d’être soigné par un médecin, car c’étaient les infirmiers qui accueillaient les patients », explique un des conseillers de la commune Mutaho.

Aux grands maux, grands moyens

L’hôpital n’a pas cessé de chercher désespérément des médecins, mais en vain. Compte tenu de cette offre de soins insuffisante pour répondre aux besoins des patients de Mutaho et des communes de Mbuye, Ruhororo, Rango, Gihogazi et Bugendana qui y sont transférés, étant donné que le médecin Directeur ne pouvait pas majorer le salaire des médecins sans l’aval du ministère de la Santé, le Directeur de l’Hôpital a fini par tente le tout pour le tout.

« J’ai dû recourir à l’administration locale et à la communauté pour stopper la saignée », confie Dr Nikobamye, médecin directeur de l’Hôpital, avant de renchérir que : « La communauté est apparue comme un chevalier blanc. Il y a eu une réunion des administratifs des communes dont les patients se soignent à Mutaho. Ils ont vite compris la gravité de la situation et ont décidé de contribuer pour augmenter le salaire des médecins et ainsi les inciter à rester. Comme cela n’était pas programmé dans le budget communal, les administratifs ont sensibilisé les natifs, la population, les commerçants, les hommes politiques de la région et d’autres cadres. Tout ce beau monde s’est plié en quatre pour collecter une somme de 12 millions de Fbu. C’est ce fonds qui servira à donner une prime de stabilisation mensuelle aux médecins. Cette prime s’ajoute au salaire habituel des médecins », conclu Dr Nikobamye.

Le résultat

Aujourd’hui, l’Hôpital de District Mutaho est stable. Il a des médecins avec compétences chirurgicales qui pratiquent des opérations autres que la césarienne, mais aussi des échographies abdominales autres qu’obstétricales. L’accueil des patients est rapide est très amélioré. « Il y a des opérations qui se faisaient dans les hôpitaux régionaux et nationaux qui se font maintenant chez nous. Les transferts des malades vers ces hôpitaux ont diminué considérablement », assure le médecin Directeur.

Au moment où les déserts médicaux ruraux constituent un sujet d’inquiétude concernant la qualité de notre système de santé et les possibles inégalités dans l’accès aux soins, cet exode des médecins a permis de resserrer les liens entre les habitants et les administratifs de Mutaho et Bugendana. Tous se sont unis de façon solidaire. « Quelles que soient les différences d’appartenance politique, ethnique ou de religion,…nous avons été ensemble pour traverser cette épreuve », a relevé fièrement Clotaire Ndaruzaniye, un des contributeurs.

Cette solidarité  communautaire, qui fait la différence quand les acteurs politiques peinent à relever le défi, est admirable. Aux autres coins souffrant de la pénurie des médecins, Mutaho et Bugendana devraient leur servir de cas d’école. Ne dit-on pas que l’union fait la force ?

 

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