Il y a quatre semaines, l’emprisonnement du Dr Guy Iriba, médecin de la polyclinique Germain Martin de Ngozi a fait beaucoup de bruit. Alors qu’une certaine opinion publique n’a pas tardé à crucifier les médecins dénonçant leur irresponsabilité, nous avons prêté la plume à un médecin pour aller au-delà du fait divers.
L’affaire a fait le foin de tous les diables. Le 24 juin 2024, Dr Guy Iriba est emprisonné à Ngozi, suite à la mort d’une patiente chez qui il avait effectué une césarienne environ un mois plus tôt. Pourtant, le médecin n’était pas inconnu de la défunte puisqu’il l’avait déjà suivie pour trois grossesses sans incident.
Selon l’ordre des médecins à Ngozi, la césarienne s’est déroulée le 26 mai 2024. Trois jours après l’intervention, la patiente a fait une complication post-opératoire qui a été traitée. Mieux, la patiente est sortie de l’hôpital bien portante en date du 03 juin 2024. Il lui a toutefois été recommandé par son médecin de revenir plus tard pour un contrôle. Jusque-là, rien d’anormal. Mais l’état de santé de la patiente s’est dégradé rapidement. Le 06 juin 2024, elle a consulté un hôpital à Bujumbura, a été admise au bloc opératoire d’urgence, avant de décéder sur la table d’opération. Un rapport médical a été rédigé à la hâte, incriminant le premier opérateur, ce qui lui a valu l’arrestation. Depuis son incarcération, les chefs d’accusation n’ont cessé de changer. De l’homicide à la non-assistance d’une personne en danger en passant par le refus de transfert à temps.
En dehors des cas du Dr Christophe Sahabo et Dr Patrick Bitangumutwenzi qui sont sous les verrous pour des motifs non liés aux soins prescrits, ce qui est arrivé au Dr Guy n’est pas sans rappeler les cas du Dr Pascal Ndanibenga à Bubanza ainsi que Dr Wayman Habimana et Dr Dieudonné Niyonkuru à Rumonge. Ces deux derniers n’ont pas eu la même chance que leur confrère de Ngozi qui a été rapidement libéré sous caution. Ils ont été acquittés par le tribunal après plusieurs semaines de détention.
“Erreur médicale” ou “complication médicale” ?
Toutes les personnes interrogées sont unanimes. Dr Guy Iriba n’est pas un apprenti médecin. Avec ses 13 ans d’expérience, il en a vu des vertes et des pas mûres sous sa blouse blanche. Mais son expérience ne constitue pas une immunité contre d’éventuelles poursuites judiciaires.
Mais comment un officier de police va faire la distinction entre « erreur médicale » et « complication médicale », sans prendre en compte l’avis de l’ordre des médecins ?
Là, je vous vois dire qu’il y avait déjà un rapport médical pour éclairer la lanterne de la justice. Mais qui a écrit ce rapport ? En y jetant un coup d’œil, et sans se faire l’avocat du diable, l’on se rend compte qu’il a été signé le 07 avril 2024 pour une patiente qui est décédée le 06 juin 2024. Une telle erreur de datation aurait dû interpeller la justice.
En plus, en cas de décès lié à l’accouchement, un cadre du programme national de la santé reproductive au sein du ministère de la santé et de lutte contre le VIH/SIDA fait savoir qu’il existe tout un processus appelé « audit de décès maternel ». Ce dernier s’effectue après les enquêtes autour du décès. Tout prestataire qui a eu affaire au dossier est questionné. Les fiches d’admission en hospitalisation, les protocoles opératoires et post-opératoires sont revisités. L’on est donc très loin d’un rapport médical établi par des individus qui, eux-mêmes, ont été directement liés au dossier. Ce qui constitue un cas de conflit d’intérêt.
Par ailleurs, la réalisation d’une césarienne, aussi simple soit-elle, ne fait pas partie du cahier de charge d’un médecin généraliste. Il s’agit d’un acte spécialisé qui se fait par un médecin spécialiste en gynécologie-obstétrique. Et des médecins généralistes s’y frottent, c’est pour sauver des vies dans un pays où il n’y a pas assez de médecins spécialistes, notamment à l’intérieur du pays. L’accusation de « non-assistance d’une personne en danger » ne tient donc pas, car le médecin fait au-delà de ce qui lui est normalement requis pour assister cette patiente.
Au-delà du fait divers
Chaque acte posé par un médecin, même le plus banal, peut comporter un effet indésirable. Sans compter les aléas thérapeutiques et les conditions de travail des professionnels de la santé au Burundi. Par ailleurs, le médecin a une obligation de moyens mais n’a pas d’obligation de résultats. La mise en place de lois spécifiques à l’exercice médical permettrait d’éviter que des médecins soient poursuivis pour des délits ou crimes de droit commun. Cette idée n’est pas nouvelle. Elle a déjà été suggérée à l’Assemblée nationale du Burundi.
Aux médecins, il est recommandé d’expliquer les risques au malade et d’avoir son consentement, dans la mesure du possible, avant de poser un acte médical.