On les affuble de tous les noms : Mayibobo ou encore enfants de la rue, comme si la rue pouvait enfanter. Comme si la rue les attirait, même ceux qui avaient été assemblés à Cankuzo pour être encadrés y sont retournés. Au lieu de les traiter de tous les noms d’oiseaux, ne devrions-nous pas disséquer ce problème pour savoir ce qui ne va pas ? Une blogueuse alerte.
Dernièrement, j’ai croisé l’un de ces enfants, au coin d’une rue à Bujumbura. Il portait un t-shirt deux tailles trop grand, ses pieds étaient nus, et ses yeux reflétaient au moins quatre années de souffrance. Il m’a regardée sans dire un mot, puis s’est éloigné, comme s’il savait déjà qu’il ne trouverait rien ici. Pourtant, il m’a laissé quelque chose : une profonde réflexion sur leur existence.
Le Burundi, avec sa jeunesse dynamique tournée vers l’avenir, fait pourtant face à une réalité préoccupante : une partie de cette jeunesse est laissée sur le carreau.
« 7 000 enfants vivent dans des conditions précaires »
Récemment, l’Institut national de la statistique du Burundi (INSBU) a publié les résultats provisoires d’un recensement révélant une population nationale de plus de 12,3 millions d’habitants, dont près de 61 % ont moins de 25 ans. Selon un rapport de l’ex-ISTEBU, « environ 7 000 enfants vivent dans des conditions précaires dans des villes comme Bujumbura, Gitega, Ngozi, Muyinga et Kayanza ».
Cependant, ces chiffres ne reflètent pas l’ampleur réelle du phénomène, qui pourrait être bien plus importante, puisque ces données datent de 2022. Récemment, on vous disait que même ceux qui avaient été rassemblés à Cankuzo pour être pris en charge étaient de retour dans les rues de Gitega. Chaque jour, dès l’aube, la même scène se répète dans les rues animées de nos villes : des enfants qui mendient, dorment sur des cartons la journée et réapparaissent à la nuit tombée.
La vie de rue : un combat quotidien
Ces enfants, souvent appelés « enfants de la rue », semblent être des fantômes dans notre société. On les oublie facilement, on ne les considère pas vraiment comme des individus à part entière, mais plutôt comme des statistiques.
Officiellement, on ignore leur nombre exact ; ils errent d’un lieu à l’autre, disparaissent, et ne sont pas intégrés dans nos politiques ni dans nos projets d’avenir. On les désigne parfois par des mots stigmatisants tels que « Mayibobo », « délinquants ». Il est rare qu’on les appelle « enfants », ce terme qui évoque douceur et innocence, réservé à ceux qui vivent derrière des clôtures des maisons et vont à l’école avec le sourire aux lèvres.
Aucun enfant ne veut se retrouver à la rue. C’est la pauvreté, les violences familiales, le rejet, la perte des parents, ou simplement l’oubli qui les y poussent. Une fois sur le pavé, tout devient un combat : survivre, manger, dormir. Ces enfants ne demandent pas grand-chose, juste un peu d’attention, un repas, une oreille attentive prête à écouter sans juger.
Ils méritent bien plus que cela : des politiques qui les protègent, des opportunités d’avenir, une vie digne.
Nécessite d’une prise de conscience collective
Il est temps d’arrêter de les voir comme un fardeau à éliminer ou un mal nécessaire. Ce sont nos frères et sœurs, des victimes de violences qui méritent d’être vues et entendues.
Le pays que nous voulons construire demain ne pourra pas prospérer sans eux. La rue n’est pas leur seul fardeau. C’est à nous tous : parents, enseignants, politiques, passants, etc., de prendre nos responsabilités. Il ne s’agit pas d’opérer des miracles, mais de prendre des décisions courageuses.
C’est une question de volonté et de politiques ambitieuses. Peut-être ne pourrons-nous pas les sauver tous en même temps, mais posons les bonnes bases pour récupérer ces laisser pour compte.
Chaque enfant mérite une maison, un sourire, une chance.