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Disparition de Brave Ava : chronique d’une vie volée

Il y a des lieux où l’on entre avec l’espoir au cœur, persuadé que la douleur y sera soulagée, que la vie y sera protégée. L’hôpital pour moi, faisait partie de ces refuges supposés rassurants. Mais en quelques jours seulement, cette conviction a volé en éclats. Entre files interminables, indifférence du personnel et pénurie d’équipements, mon passage dans un hôpital de Bujumbura Mairie s’est transformé en un parcours éprouvant. La perte de mon enfant a été un coup terrible dont j’ai du mal à me remettre. Récit.

Le 24 avril 2025, je quitte mon quartier, Ngagara quartier 10, pour me rendre à l’hôpital. Il est 10 heures du matin, et je pars plein d’espoir, croyant recevoir des soins rapides et efficaces. Mais la réalité me rattrape brutalement. À mon arrivée, je dois patienter pour deux longues heures à la réception pour payer les frais de consultation. Ensuite, une file interminable m’attend pour voir le médecin. Fatigué, mais encore confiant, je poursuis le parcours. Après la consultation, je suis renvoyé à la réception pour régler les frais des examens. Encore une heure d’attente, debout, affaibli. Les examens eux-mêmes durent à peine vingt minutes. Mais je dois encore attendre quarante-cinq minutes avant de revoir le médecin. Dans ce lieu, le patient doit être vraiment patient.

Lorsque je quitte enfin l’hôpital, il est 17 h 45, je ne ressens aucun soulagement. Pas de guérison. Seulement de la fatigue, de l’anxiété et, surtout, un profond sentiment d’abandon. Abandonné par un système censé prendre soin de moi.

L’espoir brisé

Trois jours plus tard, le 27 avril 2025, une lueur d’espoir se lève dans notre famille. Après neuf mois d’attente, de joie, de prières, ma femme et moi, nous préparions à accueillir notre premier enfant : Brave Ava Niyidukunda. Mais ce matin d’espérance vire rapidement au cauchemar. Nous quittons notre domicile en urgence, direction, l’hôpital. Il est 10 h 30 lorsque nous arrivons. À notre grande surprise, les gardiens refusent d’ouvrir le portail. Malgré une douleur persistante à mon bras gauche, je parviens à aider ma femme à atteindre la salle d’urgence, située au premier étage. En arrivant à la maternité, ne sachant pas exactement où aller, je demande timidement à une infirmière : « Où se trouve la salle d’urgence, s’il vous plaît ? ». Sa réponse est sèche. Sans un regard de compassion, elle me dit simplement d’attendre. Après plusieurs minutes, elle daigne enfin accompagner ma femme en salle d’accouchement. Là, une heure et demie s’écoule, longue et silencieuse. Puis une infirmière nous annonce, avec une légèreté désarmante : « On n’entend pas le cœur du bébé avec notre appareil, mais parfois ça arrive… Il n’y a pas d’échographie disponible ce dimanche, et le médecin qui suit votre épouse n’est pas là aujourd’hui. » On nous propose d’aller faire une échographie ailleurs et de revenir avec les résultats.

Je pose alors une question simple, mais lourde de sens : « Pourquoi avez-vous admis ma femme en salle d’accouchement si vous n’avez pas les équipements nécessaires ? » Aucune réponse de la part de l’interlocuteur. Pendant ce temps, ma femme souffre terriblement.

Une vie attendue, un cœur qui ne bat pas

Face à cette situation inacceptable, nous prenons une décision difficile mais urgente : quitter cet hôpital pour un autre. Là-bas, l’accueil est immédiat. Nous sommes enfin pris en charge comme des êtres humains. L’espoir renaît. Dans la salle d’attente, je vois les va-et-vient des infirmières, leurs gestes rapides, l’atmosphère tendue. N’importe qui ayant mis les pieds dans une salle d’urgence sait ce que cela signifie : la peur, la pression, l’attente. Puis, un médecin arrive et lance : « Qui est Nesta ? »

Je me lève, le cœur serré, l’esprit tourmenté par mille questions, et je réponds :« C’est moi. »

Il me regarde et dit : « Le cœur de votre enfant ne bat plus. »

Le sol se dérobe sous mes pieds. Tout mon corps s’effondre. Mais le médecin ajoute aussitôt : « Si vous le permettez, nous devons procéder rapidement à une césarienne pour tenter de sauver votre épouse. »

À ce moment, règnent le silence, les pleurs, et un vide que je n’oublierai jamais.

Rêver d’un hôpital humain

Ce drame, aucune famille ne devrait le vivre. Mais je veux croire qu’il peut devenir un point de départ, une alerte, pour que jamais plus des situations aussi cruelles ne se reproduisent.

J’attends, avec espoir et conviction, un système de santé où l’être humain est au centre. Un hôpital où chaque femme enceinte est accueillie avec douceur, chaque douleur entendue, chaque seconde prise au sérieux. Un lieu où l’on ne vient pas seulement pour survivre, mais pour espérer. Où le personnel est formé, écouté, soutenu. Où l’équipement médical n’est pas un luxe, mais une priorité. J’ai mal, oui. Mais si mon témoignage peut contribuer à améliorer les choses, s’il peut éveiller une conscience, alors la perte de Brave Ava ne sera pas vaine.

Un jour, peut-être, nous ne serons plus les témoins d’un drame, mais les acteurs d’une histoire achevée dans la joie et la lumière.

 

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