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Commune Ntega : les VBG atteignent leur paroxysme

En commune Ntega de la province de Kirundo, les violences basées sur le genre (VBG) ont atteint leur paroxysme. Dans une période de deux mois, 5 femmes ont été tuées par leurs maris et plus de 500 ménages sont à risques de violences conjugales. L’ivresse, les conflits sur les ressources, la débauche et l’impunité en sont les principales causes. Reportage.

Il est presque 16 h. Nous débarquons à Gisitwe, l’une des collines de la commune Ntega qui se trouve à une dizaine de kilomètres du chef-lieu de la commune Ntega. De cette contrée, on voit les collines rwandaises de l’autre côté de la Kanyaru. De part et d’autre de la route en terre se trouvent quelques maisons. Au petit « ligala » du coin, un petit groupe de gens tient solidement des bouteilles de l’« Urwarwa » (bière de banane) dans leurs mains. 

Toutefois, il ne faut pas se bercer d’illusions quant à cette l’harmonie qui semble  régner dans cette localité : « Entre décembre 2022 et janvier 2023, notre commune a enregistré 5 cas d’homicides conjugaux », fait savoir Pierre Claver Mbanzabugabo, administrateur de la commune Ntega.

Les couples en détresse…

A Gisitwe, femmes et hommes se plaignent de subir des VBG de la part de leurs conjoint.e.s. Interrogés sur les violences conjugales dans cette localité, tous veulent répondre. Difficile de choisir à qui tendre le micro. Parmi ces gens, il y a un homme appelé Pascal Niboye, 39 ans, et sa femme Jeanine Hatungimana âgée de 36 ans. Ce couple qui est marié depuis 2004 avec 5 enfants, s’affronte publiquement. Tous se disent victimes des violences conjugales. Avec un sentiment de frustration, Niboye décrit son malheur sans ambages : « Dès que ma femme boit de l’alcool. Elle m’accuse toujours de vouloir la tuer. Ce sont évidemment de fausses accusations. Son objectif, c’est de me chasser pour qu’elle gère seule mes terres. Peut-être qu’elle a un concubin qui la pousse à me malmener. » 

Tout de suite, Jeanine Hatungimana réfute les accusations avancées par son mari. « Les disputes dans notre famille ont commencé dès la naissance du deuxième enfant. Mon mari a tenté de me tuer plusieurs fois. Lorsqu’on récolte, il vend tout au marché et nos enfants sont affamés. Si je lui demande pourquoi il gaspille nos biens, il ne me répond ‘’ni ivyo wakuye iwanyu ? Nzokwica ’’ » (Tu les as ramenés de chez vous ? Je te tuerai. Ndlr) 

Jeanine va plus loin : « En plus, la société ‘’Mining’’ qui exploite les mines nous a donné un montant de quelques millions comme indemnisation et il a tout dilapidé chez les prostitués. »

La mort de Bernadette Nibigira va au-delà des VBG

L’assassinat de Bernadette Nibigira dépasse tout entendement. Cette femme a été assassinée par son mari l’année dernière dans la nuit de Noël. Tourmenté, François Habineza, 38 ans, habitant de la colline Mihigo et petit-frère de la victime raconte : « Ma sœur était mariée officiellement avec Pascal Ahishakiye et ils habitaient sur la colline Mwendo de la commune Ntega. Son mari a commencé à vendre les terres familiales sans que sa femme soit au courant. Ayant constaté cette attitude, Bernadette a porté plainte chez l’administrateur communal. Du coup, son mari l’a automatiquement chassé et s’est marié avec une deuxième femme. L’administrateur a déchiré les papiers de vente sans signature de la première femme. » 

Par après, le mari aurait demandé à sa femme de revenir à la maison. Et le frère de poursuivre : « Après la décision de l’administrateur, Pascal a dit qu’il abandonnait la deuxième femme et qu’il souhaitait se remettre avec Bernadette. C’était bien sûr de la ruse. La nuit où Bernadette est retournée à la maison, Pascal l’a tuée. Avec un couteau, il lui a enlevé les seins et les reins. » La victime était âgée de 43 ans et a laissé quatre enfants. Ces derniers vivent aujourd’hui chez leur tante paternelle.

Les causes ?

Jean Baptiste Kwizera, conseiller socio-culturel du gouverneur de Kirundo, indique que même si les violences basées sur le genre (VBG) touchent beaucoup plus les femmes, les hommes ne sont toutefois pas épargnés.

D’après lui, ce genre de comportements apparaît pendant la récolte du riz. « Quand les ménages ont des moyens pour se régaler, les hommes dilapident les biens de la famille ou vice-versa. Le manque d’intolérance conduit aux violences physiques entre les conjoints. »

Pierre Claver Mbanzabugabo, administrateur de la commune Ntega, lui aussi révèle quelques causes à la base de ces tueries conjugales : « Tout commence par l’ivresse et la débauche. Quand un mari trouve un deuxième bureau, il use toutes les stratégies possibles pour divorcer avec sa première femme. Refusant que la première femme reçoive la part des biens partagés lors de divorce, le mari préfère l’éliminer et rester avec la deuxième femme. »

Cet administratif soulève une autre cause à ne pas ignorer : « Avec l’avènement de l’émancipation féminine, il existe des femmes qui se méconduisent auprès de leurs maris. Comme les hommes n’acceptent pas d’être malmenés par leurs femmes, ils préfèrent user de leurs forces en commettant des crimes et se justifient que vaut mieux aller en prison que de vivre en se disputant avec sa femme (Urugo rubi rusumbwa n’agasho). »

Du côté du Forum des femmes, l’impunité des auteurs et la punition insignifiante contribuent aussi à la croissance des VBG jusqu’aux meurtres. Béatrice Niyonkuru, enseignante et présidente du Forum des femmes en commune Ntega, déplore que les auteurs de ces violences soient libérés après une petite période d’emprisonnement. D’après cette activiste, il y a même des hommes qui osent dire orgueilleusement : « Nishe umugore sinca nigira kwirira umuceri mu gasho. » (Si je tue ma femme, je vais manger du riz en prison). Signalons que 39 auteurs des crimes ont été libérés selon l’enquête fait par l’administration de la commune Ntega. 

Pour redresser la situation, l’administration communale souhaite organise de profondes sensibilisations pour les 500 ménages à risque de violences conjugales, identifiées dans toute la commune, en collaboration avec des ONG partenaires œuvrant dans le domaine de la lutte contre les VBG.

 

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