Le 13 octobre 2015, le journaliste-cameramen Christophe Nkezabahizi était assassiné chez lui avec tous les membres de sa famille. Deux ans plus tard, le journaliste blogueur Armel Gilbert Bukeyeneza tient à rendre hommage à un homme simple, intègre, un modèle pour les journalistes, qui risque malheureusement de tomber dans l’oubli.
J’ai connu Nkezabahizi en 2012. J’étais journaliste stagiaire à Iwacu. Lui, était un grand journaliste-cameraman de la RTNB (Radio-Télévision nationale du Burundi). Nous étions à Mwaro, au centre du Burundi, avec des collègues des autres médias. Nkezabahizi se démarquait par sa stature costaud et élancée, peut être nécessaire pour porter sa grosse et vieille caméra SONY. Avec lui dans la voiture, les blagues se pourchassaient, les rires fusaient, simples et francs. Il aimait être avec des jeunes journalistes. Ça l’amusait. Du coup, j’ai eu la chance de dîner avec lui le soir. Je voulais qu’il parle, qu’il me raconte des histoires, encore et encore. Dans un petit resto avec deux petites tables et quatre chaises derrière notre motel, nous avons eu un tête à tête d’au moins deux heures. Il s’est mis à me raconter l’attachement qu’il porte envers sa vielle caméra, les insolites des caméramans comme ce collègue qui a risqué son poste pour avoir raté le but du président actuel quand il jouait au foot au nord du Burundi…Une soirée des plus envoutantes, malgré un froid de canard, combattu avec le thé de Mwaro, et l’agatoke, un met burundais à base de banane, d’amarantes et un soupçon de ndagala. Il est allé jusqu’à me parler de sa mésaventure de septembre 1987 quand Pierre Buyoya a déposé Jean Baptiste Bagaza. Nkezabahizi avait accompagné comme cameraman de la RTNB le président de la république au Canada. La peur de se faire tuer avec le chef de l’Etat renversé s’il rentre, l’angoisse d’être loin de la famille, Nkezabahizi m’a tout raconté, comme s’il se confiait à un vieux pote de classe. En septembre 1987, j’avais sept mois. Lui était déjà un grand journaliste. Et dans ce petit resto peu éclairé avec une lampe à pétrole, on rigolait comme de vieux collègues. Au fond, j’avais peur. J’étais terrifié par son humilité, frappé par sa simplicité et sa considération envers jeunes journalistes. La soirée m’a marqué. Nkezabahizi est devenu depuis ce jour un de mes repères dans le métier.
Trois ans plus tard, le 13 octobre 2015, alors qu’à Bujumbura on tuait gratuitement en pleine rue, j’apprenais que Nkezabahizi, son épouse, sa fille, un jeune garçon, tombaient à leur domicile sous les balles de la police en charge de la protection des Institutions, l’API, selon plusieurs témoins. Toute la famille Nkezabahizi fut décimée, effacée tout simplement.
Aujourd’hui, deux ans après, nous en parlons de moins en moins. Parce que, voyez-vous, la liste des victimes ne cesse de s’allonger. La machine à tuer continue à tourner à plein régime. Et les bourreaux misent peut-être sur l’oubli. Non, les Burundais n’oublient pas aussi vite. Ils encaissent. J’ai peu d’espoir pour la justice. Le pays n’en a jamais connu. Ma seule façon de rendre justice à cette grande figure de la presse burundaise, est de garder ces valeurs qu’il a insufflées en moi l’autre soirée à Mwaro.
Adieu Christophe, vous étiez un grand, un père et un repère.
Bien dit nous ne l ‘ oublieront jamais
RIP FAMILLE NKEZABAHIZI, DOMMAGE QUE L’HISTOIRE SE REPETE DANS MON PAYS. IL Y A EU CHANGEMENTS DE REGIMES MAIS LA MANIÈRE DE GOUVERNER EST PRESQUE LA MÊME.
C’est dommage qu’on peut oublier un cameraman renommé comme lui, si on regarde aujourd’hui la qualité des images »floues » à la RTNB, son absence devrait se remarquer, Les morts ne sont jamais partis, …..