C’est devenu fréquent. Des chimpanzés du Musée vivant de Bujumbura s’échappent de leurs cages et se retrouvent à déambuler dans les quartiers de Bujumbura. Heureusement, il n’y a pas encore eu de dégâts humains, mais des pertes matérielles ne manquent pas.
« J’ai entendu quelque chose qui marchait sur le toit. D’un coup, j’ai pensé à un chat, mais ça faisait beaucoup trop de bruit. Et j’ai entendu des gens crier, et je suis sorti voir », raconte un habitant du quartier asiatique.
D’après notre source, l’animal n’était pas violent. Au contraire, il voulait s’approcher des gens, surtout des hommes. Un autre taximan rencontré tout près du terrain Tempête affirme que ces chimpanzés n’ont pas hésité à prendre des bières et des limonades que leur offraient les passants. Il ajoute d’ailleurs que ce n’est pas pour la première qu’ils s’échappent : « Je ne me rappelle pas bien du mois. Mais ça fait peut-être deux mois, ils sont sortis et sont allés dans un bar à côté. Ils ont bu et y ont passé la nuit », se souvient-il.
Bosco, un jeune vendeur des chaussures, non loin du Musée vivant de Bujumbura, signale que ces chimpanzés sont parfois violents. Il dit avoir entendu que depuis ce mercredi, ils ont déjà blessés deux personnes. Il se rappelle d’ailleurs que même dans les cages, il est dangereux de les approcher : « Un jour, je suis allé là avec un ami. Des gens ont approché les cages. Un homme a failli se voir ôter son téléphone avec lequel il était en train de prendre des images. Ils ont des longs bras. »
Pour lui, ce genre d’animaux ne devrait pas être dans un endroit en plein quartier. « Imaginez-vous, si un jour le léopard parvient à s’échapper. On va avoir des morts.»
« Ce n’est pas un musée, c’est une prison ! »
Pour l’ancien ministre de l’environnement Albert Mbonerane, ces animaux ont besoin d’un milieu plus ou moins vaste, avec une verdure. Ceci leur permettrait de se détendre.
« Quand on veut élever des animaux comme les chimpanzés en captivité, il faut au moins essayer de reconstituer leur habitat naturel. C’est là où ils peuvent se détendre, se réjouir,… », analyse Gaspard Ntakimazi, zoologue et professeur à l’Université du Burundi. Or, regrette-t-il, ces animaux sont gardés dans des cages, dans de petits espaces, « moi, ça m’a beaucoup touché et je n’ai plus envie d’y retourner. Ce n’est pas un musée, c’est une prison. Ces animaux sont torturés !», déplore-t-il. Raison pour laquelle ils cherchent à s’échapper pour se libérer, selon le zoologue.
Il ne refuse pas cependant que ces animaux soient élevés dans un endroit fermé, mais il y a des préalables. Prof Ntakimazi indique que pour deux chimpanzés, il faut au moins un espace de deux ou trois ares.
Or, au Musée vivant de Bujumbura, l’espace réservé aux animaux, crocodiles, babouins, chimpanzés, antilopes, … est trop petit, vu les exigences de ces bêtes pour se sentir à l’aise. Par ailleurs, le zoologue est dépassé par le fait que les deux chimpanzés aient passé deux jours en dehors du musée, suite au manque de moyens techniques pour les capturer : « C’est inimaginable. Comment dire que tout un pays ne dispose pas de matériel hypodermique pour anesthésier à distance ces animaux ? C’est vraiment déplorable. »
Un danger pour les riverains ?
Auparavant, le Musée vivant de Bujumbura occupait un grand espace. « Malheureusement, des gens se sont attribué des parcelles dans son espace. D’où il occupe actuellement un espace réduit.», explique le zoologue
A la question de savoir si ces animaux sont dangereux pour la population, un des guides du Musée vivant de Bujumbura rassure que normalement, les chimpanzés ne sont pas violents. « Quand on les voit ou les croise, il faut rester calme, ne pas tenter de ramasser une pierre par terre ou fuir. En fait, quand ils voient des personnes, ils ont envie de jouer avec elles, de les approcher », confie-t-il.
Ce n’est que lorsqu’ils se sentent menacés, qu’ils deviennent violents et peuvent causer des dégâts. Ce guide rejette en outre, les informations selon lesquelles ces chimpanzés sont sortis parce qu’ils ne mangent pas à leur faim : « Ils sont rationnés quotidiennement. Il y a aussi une organisation qui leur apporte de la nourriture. A ce niveau, il n’y a aucun problème.»
D’après lui, cette fuite serait liée au fait que les deux femelles sont dans une période féconde : « En fait, nous venions d’installer un mâle dans la cage d’à côté. Et les deux femelles ont cherché une voie de sortie pour aller dans celle du mâle, mais elles n’ont pas pu y accéder et se sont évadées.»
Interrogé sur la manière de les ramener au Musée, il avoue qu’il leur manque du matériel pour anesthésier ces chimpanzés : « Nous n’avons pas encore ces moyens. Nous, ce que nous faisons, c’est de les suivre pour que les gens ne leur lancent pas des pierres en attendant qu’une solution soit trouvée.»
De son côté, I.O, un ancien cadre du ministère en charge du tourisme, trouve que si on veut vraiment peupler ce musée, il faut le délocaliser : « Là, il faut que ça soit seulement réservé aux œuvres d’arts, aux artistes, aux œuvres culturelles, aux archives historiques, etc. C’est ça normalement le rôle principal d’un musée.»
Il se demande par exemple dans le cas où ces chimpanzés blesseraient des personnes, voleraient de la nourriture dans les ménages, … qui sera responsable ? Il n’exclut pas le fait qu’ils peuvent même tuer une personne. « Je pense qu’on devrait installer le zoo en dehors de la ville. Parce que même s’ils ne sont pas toujours violents, ils peuvent l’être.»
Et de mentionner que le zoo est un lieu où on garde les animaux sauvages dans des conditions aussi proches que possible de leur habitat naturel. « Il peut, entre autres, contribuer à diffuser les connaissances sur la diversité animale, en préconisant la protection et la conservation du patrimoine génétique des individus rares et en voie d’extinction », précise-t-il.
Pour le cas du Musée vivant de Bujumbura, cet ancien fonctionnaire, qui s’est exprimé sous anonymat, dit qu’on tâtonne encore. « Qui gère normalement cet espace ? Entre le ministère ayant l’environnement dans ses attributions et celui ayant le tourisme dans ses charges, qui doit le gérer ? » Il ajoute aussi qu’un tel espace devrait disposer de vétérinaires.
Au moment où nous publions cet article, nous apprenons qu’une équipe de techniciens venus de Tanzanie est venue à la rescousse. La grande vadrouille des primates a pris fin. Ils sont retournés en captivité.