Shinani, chauffeur et père de quatre enfants, a été retrouvé mort le jeudi 22 mai 2025 dans des circonstances étranges, à la station-service Kobil, devant le bar Chez Gérard à Kigobe. Sa disparition laisse derrière elle une douleur immense à ses proches et de nombreuses questions sans réponses.
Lorsque la nouvelle du décès de Shinani Haninahazwe a commencé à circuler sur les réseaux sociaux, elle a d’abord ressemblé à une rumeur : un taximan en quête de carburant aurait été retrouvé sans vie. Les spéculations ont fusé de toutes parts. Accident ? Stress ? Faim ? Fatigue après une nuit d’attente ? Face à ce flou, Yaga est allé à la rencontre de ses proches.
Nous sommes le 27 mai 2025. Il est 14h, nous prenons la route en direction de Ku Matafari, un quartier excentré. L’adresse transmise par Maman Tony, la veuve de Shinani, s’avère plus difficile à trouver. Après quelques appels, elle nous rassure : « Vous êtes presque arrivés. » Son fils aîné, Prince, vient alors à notre rencontre pour nous guider. Le chemin est escarpé, long, et nous oblige à poursuivre à pied.
Enfin, nous arrivons chez eux. En silence, nous nous asseyons aux côtés de quatre femmes et d’un homme venus partager ce moment de deuil. Des petites blagues et des conversations s’entremêlent. Malgré la tristesse, Maman Tony semble puiser un peu de réconfort dans la présence des siens. Hésitante, elle nous demande : « Vous connaissiez mon mari ? » L’un de nous fait signe que non de la tête. C’est difficile de dire que nous ne le connaissions pas. C’est encore plus difficile de révéler que nous sommes des journalistes. Avant de poser la moindre question, il faut d’abord compatir.
La mort de Shinani, soudaine et incompréhensible
Après quelques échanges, le moment semble venu d’aborder le sujet. La question que nous devons poser à Maman Tony pèse lourd : « Ton mari souffrait-il d’une maladie chronique ? » Nous craignons de la voir fondre en larmes, mais elle reste forte. Elle commence à raconter :« Non. Mon mari ne souffrait d’aucune maladie chronique. C’était mercredi. Mon mari est passé me voir là où je vends des fruits, à Kigobe, devant Ku Mabloc. Il allait à la station pour aider quelqu’un à faire la queue pour du carburant. Il comptait revenir me dire ce qu’il avait gagné (ko yaronse ay’uduharage). Toute la journée s’est écoulée sans nouvelles. Le jeudi matin, toujours rien. À 11h, midi… aucune nouvelle. J’ai commencé à m’inquiéter. Même s’il avait passé la nuit à la station, il devait venir me voir, comme il le faisait d’habitude »
Le jeudi, après 14h, un ami de Shinani est venu annoncer la terrible nouvelle à Maman Tony : « Ton mari est décédé. » Sous le choc, elle pense d’abord à une erreur. Mais c’est vrai. Elle se précipite vers la morgue, accompagnée de ses proches. Là, une foule les attend. Les amis de Shinani lui racontent les derniers instants :« Il avait pris du thé le matin. Quand la pluie est tombée, aux environs de 14h, nous avons cherché refuge dans nos véhicules. Après la pluie, en nous approchant de son véhicule, nous l’avons trouvé sans vie ».
Ces propos sont confirmés par Aline (nom d’emprunt), une vendeuse de fruits qui travaille près de la station-service. Elle affirme que la pluie est tombée après 13h et que les chauffeurs faisant la queue, en attente de la distribution de carburant, se sont abrités dans leurs véhicules. Après la pluie, Shinani est resté dans son véhicule. Les autres chauffeurs qui passaient tout près de son véhicule pensaient qu’il s’était assoupi. C’est après 14h qu’ils se sont rendus compte qu’il était mort, a raconté Aline.
Des questions sans réponses
La mort soudaine de Shinani suscite de nombreuses interrogations. Ses compagnons assurent qu’il n’avait ni faim ni soif. Même le propriétaire de la voiture qu’il conduisait témoigne lui avoir donné 10 000 BIF pour ses besoins du jour.
« Lors de la toilette mortuaire, son corps présentait des signes troublants : sa peau se détachait comme celle d’une personne brûlée », nous a raconté la femme du défunt. Aucune autopsie n’ayant été effectuée sur son corps, difficile de connaître exactement de quoi est décédé Shinani. Il a été enterré le 30 mai 2025, mais le mystère reste entier.
Âgé de 40 ans, Shinani laisse derrière lui une épouse, Maman Tony, et quatre enfants : deux garçons et deux filles. Depuis plus d’un an, il n’avait plus de véhicule à lui et se débrouillait au jour le jour pour faire vivre sa famille. Son décès vient de plonger cette dernière dans une incertitude totale.