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Burundi: l’évasion qui déstabilise encore le pouvoir

Après environ huit ans passés en prison, Hussein Radjabu, l’ancien secrétaire général et président du parti du président burundais, échappe à la vigilance de la prison centrale de Bujumbura et s’évade. C’est encore un coup dur pour le CNDD-FDD.

C’est un homme qui est toujours resté sage, calme, populaire et influent, malgré le temps qu’il venait de passer dans sa cellule de la prison centrale de Mpimba, à Bujumbura. De longues années de détention, comptées à partir du 27 avril 2007. Il était accusé d’atteinte à la sûreté de l’État et devait purger une peine de 13 ans de prison. Cette évasion aura sans nul doute une incidence, tant sur le président de la République Pierre Nkurunziza que sur son parti, le CNDD-FDD (Conseil national pour la défense de la démocratie–Forces pour la défense de la démocratie).

« Le numéro un burundais peut y laisser sa vie »

« C’est une preuve que le président de la République ne maîtrise pas ces services »

Pour mieux comprendre la situation, je contacte le politologue Jean-Salathiel Muntunutwiwe, professeur des universités et spécialiste de la sociologie politique. Pour lui, l’évasion d’Hussein Radjabu « montre que le pouvoir est affaibli au niveau des services de renseignement. C’est une preuve que le président de la République ne maîtrise pas ces services ». En effet, Hussein Radjabu n’est pas n’importe qui et les services secrets devaient, jour et nuit, veiller à ce qu’il reste ne s’échappe pas.

Le président de la République venait de changer l’administrateur général du service national de renseignements. En sa défaveur ? Probablement oui, et sans le savoir, ni le vouloir. « Une des graves conséquences de cette situation est que le numéro un burundais peut même y laisser sa vie, car le service qui est chargé de lui fournir des informations vient de démontrer qu’il n’est pas à la hauteur de sa mission ». Ou le fait-il sciemment ?

Une main invisible

Il ne pouvait pas sortir de cette prison sans une aide extérieure.

L’évasion d’Hussein Radjabu démontre surtout qu’il y a des fractions importantes au sein du CNDD-FDD. « On peut facilement s’imaginer qu’une main invisible a préparé ce coup. Même si l’évadé avait planifié son départ, il doit avoir été en étroite collaboration avec des personnalités de taille à l’intérieur du parti ». Il ne pouvait pas sortir de cette prison sans une aide extérieure.

Ce ne sont que des hypothèses. Mais avec ces fractions, on observe maintenant deux camps : l’un qui est pour un nouveau mandat du président Nkurunziza, et l’autre qui est contre. Je peux parier sur une chose : Hussein Radjabu est contre un troisième mandat du président burundais. Une autre chose sûre est que l’évadé qui fait trembler les grands ténors de la République n’est pas le seul à avoir ce désir de voir l’homme qui a commandité son emprisonnement quitter le pouvoir.

Il y a anguille sous roche

La force de cohésion du système CNDD-FDD est diluée

L’exemple n’est pas à chercher si loin. Les déclarations de l’ancien sénateur Richard Nimbesha du parti présidentiel montrent qu’il s’oppose farouchement à une nouvelle candidature du président. Par ailleurs, le document qui a fait que le Général Major Godefroid Niyombare soit démis de sa fonction de chef du service national des renseignements, semble donner raison au sénateur. « Probablement qu’il est le porte-parole des nombreux silencieux. Ces propos prouvent que la force de cohésion du système CNDD-FDD est diluée. »

Et pourquoi ce silence si assourdissant dans la désignation du candidat présidentiable du même parti de l’aigle ? Tout cela montre qu’il y a anguille sous roche, il ne faut pas se voiler la face jusqu’à ce point. L’absence de compromis sur le candidat à présenter prouve qu’il y a des tensions à l’intérieur. Que Hussein Radjabu soit à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, il rejoint plusieurs mécontents à l’interne même de son parti, mais aussi des opposants responsables d’autres formations politiques.

Un mariage de raison

Un de ses anciens compagnons de lutte déclarait sur sa page Facebook que l’ancien président du parti était de retour sur la scène, qu’il était bel et bien arrivé à destination (pas précise), et que d’ici peu il allait prononcer un discours d’apaisement à ses membres et à la population.

La popularité de Radjabu n’est pas à discuter. Tout le monde à Bujumbura sait combien une foule de gens étaient toujours rassemblés pour l’accueillir chaque fois qu’ils apprenaient sa possible libération. Reprendre son ancien parti, c’est aussi une hypothèse à ne pas prendre à la légère.

Le politologue Jean-Salathiel Muntunutwiwe soutient que l’ensemble des personnalités opposées au troisième mandat de Pierre Nkurunziza peut procéder à ce qu’il qualifie d’union sacrée. De là il naîtra un mariage de raison autour d’un objectif commun : battre le CNDD-FDD officiel, et embrasser le changement.

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