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La Burundaise dans les hautes sphères de l’armée : l’ascenseur en panne ?

Il y a plus d’une semaine, le Burundi célébrait son indépendance avec une nouvelle promotion militaire. Sur 343 officiers promus, seulement 27 sont des femmes. Soit 8 %. Aucune femme n’a gravi les échelons jusqu’au grade de colonel ou de lieutenant-colonel, et seules quatre ont été nommées majors. Derrière ces chiffres, une question s’impose : pourquoi les femmes burundaises brillent-elles par leur absence dans les hautes sphères de l’armée ?

Pour ceux qui ne le savent pas, l’armée burundaise a été créée en 1959, mais c’est en 1993 que la première femme y est faite son entrée. Trente-deux ans plus tard, la progression est timide. En 2000, les femmes officiers étaient au nombre de 11. En 2015, elles étaient 239 femmes militaires dont, 69 officiers. En 2020, sur 30 000 militaires, seulement 635 étaient des femmes (2 %). Parmi elles, 88 officiers. Trop peu et peu visible, loin des hautes sphères décisionnelles.

À l’origine, les femmes burundaises ne sont pas fans du métier des armes. Ces chiffres le prouvent. Mais également, il y a plusieurs préjugés et contraintes culturelles qui font que leur entrée dans l’armée est handicapée. Mais, pour le peu qui ont pris le courage d’intégrer l’armée, pourquoi leur ascension semble difficile pour accéder aux structures de prise de décision ?

Étiologies

Nous avons approché Lieutenant Kwizera, une de ces rares officiers, pour qu’elle nous dresse le topo. La réalité est que les femmes ont historiquement eu moins d’accès à l’académie militaire. De 2016 à 2019, seulement 39 femmes ont été recrutées à l’ISCAM. Un vivier trop restreint pour espérer voir émerger des hautes gradées. « Et dans un système où la promotion repose sur l’ancienneté, les missions opérationnelles et le niveau d’étude, les femmes se retrouvent désavantagées, car elles ont intégré tardivement l’académie et sont rarement affectées à des postes de combat pour avoir les chances de monter en grades », explique-t-elle.

Les stéréotypes de genre ont également la peau dure. « Les femmes militaires ? On nous cantonne à la logistique ou à la santé », confie Lieutenant Kwizera, sous-entendant que le commandement, c’est pour les hommes. Résultat : en 2023, 90 % des officiers burundaises servaient dans des services non-combattants.

Un retard à rattraper

Les voisins montrent l’exemple et ça marche. Le Rwanda, l’Ouganda, le Sénégal et d’autres pays africains prouvent que l’égalité dans l’armée n’est pas une utopie. Selon un rapport de l’ONU Femmes, en 2023, les femmes représentaient 30 % de l’armée rwandaise et 20 % des officiers, avec 4 femmes généraux. En Ouganda, elles comptaient pour 15 % des effectifs militaires et 12 % des officiers, avec une femme ayant la grade de générale. Au Burundi, en revanche, aucune femme n’a encore atteint le grade de général dans l’armée, et seulement 6 % des officiers sont des femmes.

Au Sénégal, des initiatives comme le « Parcours d’excellence des femmes dans l’armée » ont permis une réelle mixité. Au Rwanda, les quotas ont boosté la présence féminine à tous les niveaux. Ailleurs, le Sud-Soudan, le Kenya et l’Afrique du Sud, la République Centrafricaine, le Togo, la Zimbabwe et l’Ethiopie ont nommé des femmes ministres de la Défense. Preuve que le talent n’a pas de genre, et que le changement est possible… à condition de le vouloir.

Et si on arrêtait de se voiler la face ?

La générale sud-africaine Nontsikelelo Memela-Motumi l’a écrit : « Il faut qu’il y ait davantage de femmes à des fonctions dirigeantes non seulement pour qu’elles puissent être des exemples à suivre, mais également pour qu’elles puissent donner l’impulsion à un programme de transformation allant dans le sens du « non-sexisme ».

L’histoire africaine regorge d’exemples de femmes guerrières, comme Inamujandi ou les Amazones du Dahomey. En partant du principe que les femmes sont des citoyennes ayant les mêmes droits que les hommes dans la société, il est essentiel de veiller à ce que les femmes aient les mêmes opportunités de carrière et les mêmes conditions de travail que les hommes. Non seulement, la présence de femmes parmi les hauts gradés inciterait davantage de femmes à s’engager dans l’armée. Il est ainsi injustifiable de continuer à avoir des appareils de sécurité excluant plus de la moitié de la population, et donc de priver le pays de tant de talents et de tant d’énergie.

 

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Les commentaires récents (2)

    1. Non, le problème ce que ce ministre n’est pas un militaire, donc comme le dit l’auteur de l’article, l’ascenseur pour les femmes militaires en toujours en panne. Espérons que ce ministre va le réparer.