À Bujumbura, il existe des centres d’accueil pour personnes âgées démunies. Pourtant parmi ces nécessiteux, on retrouve des personnes avec des familles aisées. Après avoir discuté avec une vieille maman internée dans un de ces hospices, le blogueur Bonaparte Sengabo s’interroge sur nos rapports avec nos vieux parents.
Dernièrement, j’ai accompagné une amie dans un centre d’accueil pour personnes âgées à majorité « démunies ». Ces gens du 3ème âge ont parfois beaucoup à raconter car ils s’ennuient à longueur de journée et ont besoin de quelqu’un pour les écouter.
Soudain une vieille maman me confond à quelqu’un qu’elle connaît et me sourit. Moi je lui fais comprendre gentiment que je suis quelqu’un d’autre, et elle l’accueille avec consternation. Et puis s’engage une conversation qui m’a laissé avec un cœur lourd.
La maman avait quitté la campagne parce que sa santé se détériorait à cause de son âge avancé. «Je suis descendue à Bujumbura pour me faire soigner. D’habitude je logeais chez ma fille mais elle est partie à l’étranger avec son mari et mes petits-fils. Cette fois-ci j’ai été accueillie chez mon fils marié depuis deux ans qui habite Mutanga», me raconte-t-elle.
Tout de suite, je me demande comment cette vieille maman dans toute sa visible fragilité, ayant un fils dans un quartier haut standing, pouvait se retrouver dans cet endroit de détresse. «Mon fils a une vie aisée, une maison à quatre chambres et une unique petite fille, mais il n’aimait pas qu’elle reste près de moi. Il a fini par m’envoyer ici», répond-elle à ma silencieuse interrogation.
Et moi voulant jouer à l’apaisement car je voyais ses minuscules yeux remplis d’une profonde tristesse, je lâche : « Nyoku, ton fils t’as probablement trouvé un endroit où tu ne t’ennuies pas quand ils partent au travail, puisqu’ici tu as tes congénères.»
Rejet
S’il y a des larmes expressives, ce sont celles qui proviennent des yeux d’une maman pleurant parce qu’elle se sent délaissée. « J’ai supporté le poids de mes enfants depuis leur naissance mais maintenant je deviens encombrante et répugnante à leurs yeux, quitte à vouloir se débarrasser de moi», sanglote la vieille femme avant de lâcher : « Mwananje, ntaguta akatarapfa». (On ne jette pas ce qui n’est pas encore mort, ndr).
Ce proverbe me laissa dans une profonde réflexion. On a beau avoir grandi, fait des études et devenu qui nous avons longtemps rêvé de devenir, on ne doit jamais oublier d’où l’on vient et à qui nous le devons.
Si nos mères (permettez d’insister sur elles) n’avaient pas été là pour nous guider et nous soutenir dès nos premiers pas, que serions-nous jusqu’ici ? Elles nous ont tout donnés. Offrons-leur le double ou même plus, mais au-delà de tout, rendons leurs vieux jours heureux, comme le furent nos premiers jours ici-bas. Manifestons-leur notre gratitude, avant qu’elles partent.
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