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Buja se vide, Mpanda se peuple. Horrible !

C’est le récit de Dassy Gacuti, jeune blogueuse qui devrait rentrer à la maison pour les vacances de Noel. Elle a quitté Bujumbura pour aller faire ses études à Kigali avant le début de la crise, en avril 2015. A son retour, neuf mois après, Bujumbura n’est plus comme avant. C’est une ville fantôme, ou presque.  Elle témoigne.

Les mauvaises nouvelles sur ma ville tombent les unes après les autres. Bujumbura est un champ de bataille, un cimetière. A Kigali, c’est pourtant la fête : les sapins de noël sur tous les ronds-points, les chants,… Une ambiance électrique. Et moi, Burundaise, partie depuis avril, loin de moi l’idée de faire la fête. Je ressens un vide. Je me sens seule. Pis encore, je crains de retrouver les miens dans les rues, assassinés.

Un matin, sur un coup de tête, j’emballe mes fringues, direction : ma ville, Bujumbura. Le voyage se passe plutôt bien jusqu’à la frontière.  Mes compagnons de voyage me rassurent, me disent qu’il n’y aura pas d’incidents pour les quelques jours de fête. J’évite la Kanyaru, je passe par Cibitoke. La localité me semble tranquille avant d’apprendre que tôt dans la journée quelques jeunes ont été arrêtés par les Imbonerakure.

Mpanda

Le nom sinistre qui fait froid au dos. Les noms de tous ces jeunes tués à Bujumbura se lisent facilement, au cimetière de Mpanda, au travers la vitre du véhicule. Les neuf mois ont été fatals pour ma génération. Je suis envahie par une peur que, jusque-là, j’essayais de repousser tout le temps. A l’entrée de Buja, une barrière. On fouille nos bagages un peu plus qu’avant. On nous regarde avec une moue de méfiance, de dédain. Pourtant, nous sommes  des Burundais qui rentrent juste chez eux. Cela ne diminue en rien mon impatience de retrouver ma ville. Je prends taxi sans discuter même le prix.  Le chauffeur me lance : « Waruhakumbuye nani ! » (Ça te manquait vraiment ! » Je ne réponds que par un sourire.

Un sourire qui s’évanouit petit à petit. La ville est déserte. Il est encore 16h. Normalement, c’est l’heure d’aller en ville, parfois sans motif, par envie de sortir. Passer devant le resto plazza pour acheter les robes à moins de 2000Fbu (environ 1 dollar), que l’on vend ici et là. Mais cet après-midi, il n’y avait presque personne. Ville-morte ! Parfois, une personne ou deux dans un coin de rue. Les quelques vendeurs ambulants qui se hasardent en ville semble fatigués et pressés de rentrer. La peur se lit sur tous les visages.

Comme dans un flash, je revois le cimetière de Mpanda. Une triste et dure réalité me frappe. Buja se vide et Mpanda se peuple. Toutes ces personnes qui sillonnaient les routes de Bujumbura, tous ces sourires qui éclairaient la capitale défilent un à un devant moi : le tout jeune Komezahoro fauché à Mutakura, Charlotte, Willy, la famille de Ngagara décimée, et toutes ces personnes qui ont perdu la vie, qui sont parties trop tôt, dans la douleur, injustement et pour toujours.

Baptême de feu

Pour la première fois, j’entends des tirs de balles. Tout le monde semble ne pas s’en soucier. Même une petite fille de 2ans ne pleure plus. Ça fait partie de leur vie.  Ma mère me dit que c’est un « Karibu » (bienvenue) que l’on me donne. J’aurai pu en rire. Mais à cet instant précis mon cœur était en lambeaux, mes pensées vagues.  Je me disais que Mpanda venait de  voler encore 4 ou 5 vies à Bujumbura.

Le cœur lourd, les larmes aux yeux, je me dirige vers mon lit, espérant me lever le matin. Ma première journée à Buja depuis plus de neuf mois. Une journée où je me rends compte de la réalité. Noël n’est pas passé à Bujumbura cette année, ceux qui tuent gratuitement ne l’ont pas permis.

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