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Buja me manque, je rentre

La nostalgie d’un blogueur en exil dans un pays lointain… Alain Amrah Horutanga se souvient de ces belles choses que lui offrait Bujumbura et qu’il n’a jamais trouvées ailleurs. Son seul désir est désormais de rentrer.

Les vendeurs de friperie appelant leurs clients en criant : « Solodo, solodo, solodo » – faute de prononcer « solde » – aux alentours de l’ancien marché central de Bujumbura. À côté, nos vaillantes vendeuses de fruits et légumes qui jouent à cache-cache avec la police. Les « michopo » de la deuxième avenue de Bwiza. Le pilao de Chez Mama Solo. Les plages d’une beauté à couper le souffle au bord du lac. La chaleur de midi dans les bus de Musaga. Les quotidiennes de « 12h30 », avec les centaines de personnes, téléphones scotchés à l’oreille, écoutant les infos de la RPA. Les chauffeurs se disputant la première place sur la file d’attente devant les parkings. Les salutations chaleureuses et interminables à Buyenzi, où l’on passe en revue toute la famille élargie en demandant les nouvelles de chacun de ses membres. Ce Buja me manque.

Bujumbura : capitale d’un pays que le monde ignorait encore avant le 26 avril, date du début des manifs contre le troisième mandat. Cette ville n’a rien à avoir avec les autres grandes agglomérations africaines. Elle n’a pas non plus à les envier. La capitale burundaise n’a pas de grands stades, de grands supermarchés ou de centres commerciaux. Mais elle reste unique, particulière. Elle a T2000, un magasin chinois. Elle a ses petites alimentations, ses boutiques, ses bistrots sombres au coin des avenues, où le résonnement des gorgées et les éclats de rire font office de musique.

Dans ces bistrots, on parle de tout : des espoirs perdus, des filles,… Normalement, la politique détient une place de choix ; c’est notre sport favori, nous, Burundais. On l’aime, on la tord, on la manipule, on entre dans la tête de ceux qui la font pour en tirer une conclusion à des heures avancées.

Notre mode de vie, certes, n’est pas le meilleur du monde. Étant à des milliers de kilomètres, Buja me manque néanmoins. Ma Suisse d’Afrique, mon Zanzibar enclavé – « Zanzibar », parce qu’en ses plages, on trouve du sable fin. Pieds nus, marchant, ces plages m’inspiraient, me chuchotaient des mots, des idées, elles me transportaient dans un autre monde.

Changement

Lorsqu’on rencontre quelqu’un qui est passé à Buja, on prend conscience de la valeur de notre ville. On l’apprécie encore plus. L’autre jour, j’ai rencontré un Caribéen. Il était resté 18 heures dans notre capitale. « Waouh, Bora Bora ! », s’est-il exclamé. « Viens passer deux mois chez nous, juillet et août », me suis-je empressé, enthousiaste. Au vu des derniers événements, il craignait de revenir…

Bujumbura a bien changé. Elle n’est plus celle où nous profitions des samedis et dimanches pour pratiquer des sports collectifs. Elle n’est plus celle des virées nocturnes, lors desquelles nous commencions nos soirées amicalement à La Reine pour finir par accompagner le soleil à son levé le lendemain à Escotisse.

Désormais, il faut terminer toute activité avant 20h. « Les temps sont durs », m’a confié un ami. L’ambiance est morose. La ville semble être en convalescence, en deuil collectif, enterrant son prestige, ses treize anciennes communes qui ont disparu pour n’en faire plus que trois. Buja serait-elle en train de pleurer ses enfants, tombés sous les balles de la police ? Elle semble en tout cas panser ses plaies. Elle rappelle ses filles et ses fils, partis loin d’elle pour venir l’assister, pour ne pas la laisser se faire détruire, se faire terroriser.

Je rentre.

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