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Bugendana : vers une meilleure cohésion sociale

Dans notre pays, les conflits ethniques ont bouleversé des générations entières. Les horreurs se sont succédé, le sang a coulé et les pertes en vies humaines se sont accrues. Nous sommes retournés sur le site de Bugendana 30 ans après les évènements de 1993, pour mettre en lumière la vie actuelle dans la communauté.

Nous roulons à plus de 100km de Bujumbura pour atteindre enfin le fameux site de Bugendana. Je ne connais pas grand-chose sur le lieu à part son passé atroce. L’humeur maussade de mes collègues confirme ce passé terrifiant. Dans le paysage, je distingue une croix qui porte ceci :  « Au matin du 20/07/1996, génocide des 648 Tutsis rescapés de 1993 à Bugendana.» Un collègue commente : « C’est sous cette croix que se trouvent enterrés ceux qui ont perdu la vie dans cette tragédie.»

J’imagine l’horreur au moment des faits. L’atmosphère me semble soudain lourde et glaciale comme si les arbres, le vent et la terre se méfiaient de tout étranger qui viendrait semer encore le trouble sur ce site. Pourtant, les gens sont accueillants, chaleureux et nous lancent des regards curieux et amusés en nous voyant nous entretenir avec la communauté.

L’harmonie rétablie

Petit à petit, nous découvrons qu’il n’y a pas que des Tutsis sur les lieux, contrairement à la croyance populaire. Il y a des Tutsis, des Hutus, des Batwa et tous vivent en harmonie (ou presque).

« Au début quand mon mari qui est tutsi m’a emmenée vivre sur le site, ses parents ne voulaient pas d’une Hutu (d’un assassin) dans leur famille, mais mon époux leur a tenu tête jusqu’au bout.», témoigne Ange, la vingtaine. Aujourd’hui, elle a 3 enfants avec son mari et vit tant bien que mal avec le reste de sa famille, même si tout n’est pas rose du côté de sa belle-famille.

Droit devant, nous rencontrons des maçons qui refont la toiture d’une maison. Bosco, le plus âgé, raconte l’évolution de la situation au fil des années : « Jadis, voir un Hutu sur le site équivalait à la crainte et la haine. Aujourd’hui, les choses ont changé. Nous vivons en paix toutes les ethnies confondues et nous partageons tout, y compris le travail sur des chantiers, les travaux champêtres, etc.» 

Aloys, un Hutu qui a construit sa maison sur le site de Bugendena est serein quant à l’état actuel des choses : « Maintenant, nous cohabitons normalement entre Hutus et Tutsis. Ce n’est plus un site réservé aux Tutsis. Il y a même beaucoup de mariages mixtes ici.»

Le rôle de l’autorité dans le maintien de la paix

Gisèle, une rescapée tutsi de 53 ans qui vit en dehors du site sur la colline Mukoro, sait que la cohabitation n’est pas toujours facile : « Il y a des voisins qui pensent que je suis venue perturber la paix dans leur colline à cause de mon chien qui s’attaque aux gens qui le provoquent.»

La haine des gens envers son chien se manifestait à travers leurs mots : « Azanye imbwa izoza kutumara » (Elle amène un chien pour nous exterminer, Ndlr). Ces dires l’ont chagrinée, d’autant plus que ce sont ces gens qui s’en prenaient en premier à son chien en lui lançant des pierres. En plus, elle payait pour eux les frais médicaux si le chien les blessait en retour.

Un soir, ils prirent la ferme décision de tuer ce chien qui s’attaquait aux leurs, mais la dame s’est imposée pour protéger son chien. Gisèle raconte que le chef collinaire a rétabli l’ordre par la suite. Elle est allée le voir pour lui confier son problème et son désir de quitter cette colline. Le chef collinaire l’a rassurée, et a indiqué aux voisins de se tenir loin de son chien et d’éradiquer ces messages de haine, afin de promouvoir la paix entre tous sur sa colline.

Hakizimana Dieudonné, le conseiller chargé des affaires sociales dans la commune Bugendana, nous parle des mesures administratives prises pour une bonne cohésion sociale : « Nous sensibilisons la population qui habite dans le site à mener des activités communes avec ceux qui vivent en dehors du site et d’éviter tout ce qui peut attiser la haine entre eux. » Il se félicite des progrès accomplis dans ce sens, notamment des parcelles qui ont été octroyées tout près du site où résident les personnes de différentes ethnies.

 

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