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Barrage hydro-agricole de Kajeke : un pas en avant, deux pas en arrière ?

Le projet de construction du barrage de Kajeke est au point mort. Plus d’une dizaine d’années d’attente, les agriculteurs n’y croient plus. Après expertise, le ministre de l’agriculture avait annoncé la reconstruction de ce barrage en 2019. L’heure est encore une fois à une nouvelle expertise pour évaluer l’état d’avancement des travaux. Ce blogueur est allé voir ce qu’il en est sur terrain.

Gihanga, la région de l’Imbo, la saison sèche bat son plein. La plaine a perdu sa verdure. Très peu de monde dans les champs. Les rares herbes sont sèches, et le sol se craquèle sous l’effet de la chaleur. Le débit de la rivière Kajeke a fortement diminué. Justement, c’est de ce constat que l’idée d’irriguer les terres fertiles de cette contrée est née. « En saison sèche, les activités champêtres sont quasiment au point mort. Le projet de construction du barrage de Kajeke a créé un brin d’espoir, il y a une dizaine d’années. Pour le moment, on espère plus rien », déplore Claude, un habitant de Rugunga.

Nous attendions la reconstruction annoncée par l’Etat en 2019, poursuit ce cultivateur, mais le président de le République a récemment déclaré qu’il mettra en place une commission d’experts qui aura pour mission d’évaluer ce barrage.

Une cinquantaine de mètres plus loin, un canal en béton traversant la rivière Kajeke s’est écroulé. Ses  piliers se sont affaissés. Selon cet habitant, ce canal devrait acheminer l’eau aux champs de Gihungwe, Busongo, Rugunga, Gihungwe, etc. D’après toujours ce cultivateur ce n’est pas ce canal principal qui pose problème seulement. Tout est bloqué en amont.

Quelques motopompes ronronnent sur les rives de la Kajeke quand même. Les plus malins ont acheté et installé des motopompes au bord de la rivière pour se faire de l’argent. Ils louent leurs engins aux agriculteurs voulant irriguer leurs champs. 

Le dispositif de captage en ruine

En savoir plus sans remonter en amont de la Kajeke ? Non ! Il faut escalader quelques montagnes pour arriver là où ce barrage est aménagé. Après une quinzaine de minutes à moto, nous voilà sur le lieu de captage. Le barrage prend naissance entre les collines Kagirigiri de la commune Bubanza et Cabara de la zone Buvyuko.

Le chantier est un édifice abandonné et en ruine. Il n’y a personne aux alentours, ni habitations, ni âme qui vive. Sur ce qui reste du barrage : des herbes, quelques arbustes qui ont poussé dans les lézardes. La nature est en train de reprendre sa place. Partout, on remarque des signes évidents de vétusté. Un autre signe du projet mort-né : une petite étendue de boue.  Un petit cours d’eau s’est frayé un passage au milieu de cette gadoue.

Récapitulatif

La construction du barrage de Kajeke a débuté en 2009. Trois entreprises de construction, ETAMCO, BTCE et BETUCO-PACIFIC avaient gagné ce marché. Au départ, les travaux avaient été estimés à 9 milliards BIF. Mais à la fin l’Etat a décaissé une somme de 12,5 milliards BIF, ce qui laisse penser que ces entreprises avaient sous-estimé les dépenses. Les travaux ne devaient pas dépasser trois ans. Par après, le ministère chargé de l’agriculture a déclaré toutes ces entreprises défaillantes.

Il était prévu que ce barrage irriguera 1.013 hectares dans sa première phase. Mais la zone d’irrigation devait s’étendre par la suite à 2.813 hectares.

Au mois de mars 2018, devant les élus du peuple, le ministre de l’Agriculture a reconnu l’échec de la construction du barrage. Conséquemment, il avait annoncé que les travaux de construction avaient été suspendus temporairement. Selon cette autorité, « Les entreprises (citées plus haut) n’avaient pas les capacités techniques et financières requises pour exécuter les travaux. »

Le ministre Rurema avait annoncé qu’une commission technique avait été mise en place pour établir les responsabilités de chacun dans l’échec de la construction de ce barrage.

Une promesse de reconstruction qui peine à se concrétiser

Le barrage de Kajeke était à l’ordre du jour lors du conseil des ministres du 3 juillet 2019. D’après le compte rendu de ce conseil, la reconstruction de ce barrage était une urgence. Trois dossiers d’appel d’offre distincts ont par la suite été élaborés. Ils concernaient la construction du nouveau barrage de Kajeke, la réalisation du canal d’adduction et l’aménagement du périmètre à irriguer. « Ces dossiers d’appel d’offres sont disponibles au ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage. », précisait le compte rendu.

En outre, les membres du gouvernement ont demandé que ceux qui sont impliqués dans l’échec du premier projet soient traduits en Justice et que pour ceux qui ne seraient pas au pays, des mandats d’arrêts internationaux soient lancés.

2021, une nouvelle expertise pour évaluer le projet 

Après un mois, dans une conférence de presse, le ministre de l’Agriculture a donné plus de détails sur le nouveau projet du gouvernement. Il a précisé que 22 milliards BIF avaient été mobilisés, dont 14 milliards donnés par le Japon, pour mener à bon port ce projet.

Deo Guide Rurema avait même donné l’échéance. Ces travaux de reconstruction devaient commencer avant fin 2019. « Au niveau du gouvernement, on a déjà disponibilisé 8 milliards et avec la coopération japonaise à travers le don du riz, nous avons une enveloppe de 14 milliards. Nous sommes sur la bonne piste. Avant la fin de cette année, le barrage de Kajeke sera en train d’être reconstruit pour une durée de trois ans », avait-il déclaré. 

Début juin dernier, Evariste Ndayishimiye a visité ce barrage. Il a décidé de mettre en place une commission d’experts qui aura pour mission d’évaluer les activités. Il a assuré que les fautifs seront traduits en justice.

Après deux ans, force est de constater que la reconstruction du barrage n’a pas encore démarré.

 

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