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L’adéquation formation-emploi : plus qu’une nécessité

Le cursus académique proposé aux étudiants en journalisme présente souvent un certain décalage par rapport à la réalité du monde professionnel. Quels sont ces ingrédients qui manquent à une formation en adéquation avec le marché du travail ? Quelles pistes de solution ? Analyse. 

Le projet d’appui à la professionnalisation des médias « PAPROM » a été lancé depuis le 18 février 2022. Aujourd’hui, plus d’une année après, ce projet, financé par l’Ambassade de France, a déjà formé plusieurs étudiants et professionnels de médias locaux. 

Toutefois, le constat est qu’il y a un besoin criant de synchroniser les offres de formation à l’offre du marché afin d’équiper efficacement les futurs journalistes. C’est aussi l’avis des différents participants à l’atelier de réflexion sur les programmes de formation en journalisme, communication et audio-visuel répondant aux besoins du métier, organisé par le Centre d’Analyse et de Recherches Interdisciplinaires sur le Développement dans la Région des Grands Lacs (Carid-RGL) de l’Université du Lac Tanganyika, le 19 juin 2023.

 « Le niveau a drastiquement baissé » 

Selon Abbas Mbazumutima, journaliste burundais depuis les années 90, sans base, il est difficile d’espérer construire quelque chose de solide : « Franchement, comme rédacteur en chef depuis 1998, j’ai vu passer pas mal de gens, de stagiaires. Le niveau a drastiquement baissé et c’est à partir du secondaire jusqu’à l’université. Il y a des cours qui n’existent plus. La culture générale, la maîtrise  de la langue, outils nécessaires pour tout aspirant journaliste font défaut. »

Néanmoins, précise le rédacteur en chef d’Iwacu, il y a heureusement quelques pépites, des jeunes curieux, entreprenants qui se démarquent et qui sortent du lot. « Il y en a d’autres qui évoluent, qui apprennent vite et qui parviennent même à dépasser leurs maîtres. » fait-il remarquer. 

Monique Kayibanda, professeur à l’université du Lac Tanganyika, estime qu’ « il y a un besoin d’actualisation des contenus des enseignements et un recyclage régulier pour répondre aux besoins réels dans un secteur qui évolue de manière rapide et continue grâce aux NTIC (Nouvelles technologies de l’information et de la communication). » 

Sylvère Ntakarutimana, ancien directeur de la Radio Isanganiro, déplore que plusieurs lauréats sortis fraichement des universités ne maitrisent pas la déontologie du métier, les étapes de la collecte des données, le maniement des outils techniques etc., choses qu’ils sont censés avoir appris à l’école. Ainsi, ils deviennent des fardeaux pour leurs organisations d’accueil.  

Essais de remédiation  

Van Merrid Corinne, directrice adjointe de l’Ecole Supérieure de journalisme de Lille (université assurant les formations du Paprom), partant de l’exemple de son pays, la France, suggère comment aider les lauréats pour leur accorder beaucoup plus de temps de pratique. « En France, on privilégie l’apprentissage en alternant dans un média. Les étudiants passent une partie de leur temps à l’école et une partie dans un média et ça sous l’encadrement d’un tuteur qui vient de passer au moins 3 ans dans le métier.» déclare-t-elle. 

Elle propose aussi de créer des médias étudiants qui permettront aux jeunes étudiants de s’exercer. Néanmoins, elle indique qu’une telle initiative nécessite un suivi de près en ce qui est notamment de fixer et de garder une ligne éditoriale. 

Quant à Abbas Mbazumutima, la grande expérience de certains journalistes devrait être valorisée : « J’aurais aimé voir des journalistes qui ont fait leurs preuves partager dans des auditoires ou amphithéâtres leur expérience. Malheureusement, ils ne sont pas légion comme professeurs dans nos universités.», regrette Abbas.  

Monique Kayibanda va dans le même sens. Elle propose le recours à l’expérience remarquable des professionnels des médias pour des enseignements pratiques. Elle propose aussi des tribunes d’échanges entre étudiants et professionnels sur l’exercice pratique de la profession dans le cadre des enseignements ou séminaires.

Gilbert Ntahorwamiye, professeur d’université et journaliste dans la presse écrite, recommande que les révisions de ces maquettes de formation tiennent compte du genre de contenus que consomme la génération d’aujourd’hui. 

Néanmoins, la dimension pratique de l’enseignement peine à se déployer significativement faute d’espace approprié pour des exercices pratiques ainsi que des équipements et matériels suffisants (caméra, enregistreurs, ordinateurs et logiciel de montage, appareils photos, ..). 

Le ministère qui a l’éducation et la recherche scientifique dans ses attributions devrait imposer quelques standards aux différents établissements de formation (secondaires ou universitaires) pour permettre à l’aspect pratique d’avoir sa place. 

 

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Les commentaires récents (1)

  1. J’aimerais saluer la suggestion de Van Merrid Corinne. L’échec souvent rencontré est que nous n’avons pas de temps suffisant de faire des exercices pratiques.
    Même dans les stages académiques les étudiants ne sont pas valorisés pour pouvoir améliorer la performance.
    L’étudiant vient dans un stage académique, on lui donne des livres de lecture au lieu de lui montrer l’exercice du métier. Vous, les médias devraient augmenter les stages professionnels accordés aux laureats.
    Merci je suis de Journalisme et communication à l’Université du Burundi.