Il est metteur en scène, acteur, directeur artistique du festival Buja Sans Tabou (BST) et, depuis le 25 septembre 2025, le seul Burundais décoré chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres par la France. Mais au-delà des projecteurs et des titres, Freddy Sabimbona est avant tout un homme de passion et de rêve, un artiste qui a choisi le théâtre comme cheval de bataille pour contribuer, à sa manière, à la renaissance du Burundi.
Né le 14 septembre 1982 à Washington, Freddy Sabimbona a aujourd’hui 43 ans. Si vous avez aperçu son visage dans un film, une publicité ou sur la scène de Buja Sans Tabou, vous l’avez peut-être aussi croisé dans le public, animant un panel ou tenant tendrement l’un de ses deux fils. Mari et père présent, il est aussi amoureux de cinéma et de lecture. Plus surprenant encore : l’as du théâtre est aussi un footballeur amateur, trouvant dans le ballon rond un moyen de se détendre.
La première flamme
Le théâtre s’est imposé à lui comme une révélation. À 14 ans, alors qu’il étudiait à l’École Internationale de Bujumbura, il joue La marmite de Koka-Mbala de Guy Menga. Il ignore encore qu’il vient de signer un pacte pour la vie. C’est le regard émerveillé et le sourire de son père diplomate, passionné de mots, qui scellent son destin. Dans la famille Sabimbona, la langue française et le théâtre coulaient déjà dans les veines : frères et sœurs lisaient, jouaient… Freddy venait de trouver son territoire.
Ses débuts sur scène
Au début des années 2000, il fait ses armes dans la troupe Pilipili, dirigée par Patrice Faye. En 2008, il abandonne ses études de droit pour se consacrer au théâtre. Une décision radicale confirmée en 2009 avec Quitte ou double, une pièce sur l’avenir bouché de sa génération. Le titre sonnait comme un aveu : Freddy avait choisi son camp, celui des planches.
Ses pièces voyagent. Quitte ou double est jouée dans plus de dix-huit lycées de l’Île de la Réunion, mais aussi au Rwanda et en RDC. Avec Déchirement d’Antoine Kaburahe, il tourne en Afrique de l’Est et accède aux Récréâtrales de Ouagadougou, où il met en scène Les Sans… d’Ali Kiswensida Ouédraogo. Freddy devient un passeur, un créateur de mondes.
Au cinéma, il multiplie les rôles : Journal d’un coopérant de Robert Morin (2009), Nawewe d’Ivan Goldschmidt (2009), Le sixième commandement de Francine Niyonsaba (2012), Welcome Home de Joseph Ndayisenga (2013), qui lui vaut le prix de la meilleure interprétation masculine au Festicab.
De Buja Sans Tabou au chevalier des Arts
En 2014, il fonde Buja Sans Tabou, devenu le grand rendez-vous théâtral du Burundi. En 2019, le festival se dote d’une maison, lieu de création et d’accueil. Depuis, Freddy se bat pour que cet espace fasse vivre les artistes. Directeur artistique, il n’hésite pas à troquer sa casquette pour suggérer une scénographie, gérer la communication… ou même assurer le protocole. Parfois, on le retrouve derrière le bar, servant les spectateurs lui-même.
Diplômé européen en gestion culturelle (2021), expert artistique mandaté par l’OIF, coprésident de la Commission internationale du théâtre francophone (CITF) de 2024 à 2026, il prépare actuellement la 7ᵉ édition du festival, sous le thème (Dé)connexion, et son retour sur scène avec … d’un acteur, un texte écrit pour lui par Dieudonné Niangouna.
Un artiste sans compromis
Freddy Sabimbona est tout sauf lisse : rêveur, passionné, parfois irascible, souvent impatient. Mais c’est peut-être là sa force : ne rien lâcher, prendre des risques, quitter le confort quand il le faut. Aujourd’hui, il porte un titre qui dit tout de son parcours : chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres, premier Burundais à recevoir cette distinction. Une reconnaissance pour l’élan artistique qu’il a su insuffler à toute une génération d’acteurs.
Peut-être qu’un jour, sous nos cieux, d’autres artistes auront droit à la reconnaissance qu’ils méritent. C’est tout le mal qu’on leur souhaite.