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Un consul kenyan à Goma : à quoi joue le président William Ruto ?

Oui, vous avez bien lu. Ni à Kinshasa, ni à Lubumbashi, mais bien à Goma. Le 15 août 2025, le président kényan William Ruto a surpris tout le monde en nommant un consul dans cette ville de l’Est congolais, actuellement sous contrôle de la rébellion AFC/M23. À Kinshasa, la stupeur est totale. Faut-il y voir une simple décision administrative anodine ? Ou s’agit-il d’une manœuvre diplomatique subtile, voire cynique, s’inscrivant dans un jeu géopolitique régional bien plus complexe ?

L’article 2 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques est court mais précis : « L’établissement de relations diplomatiques entre États et l’envoi de missions diplomatiques permanentes se font par consentement mutuel. » Mais Nairobi ne l’entend pas de cette oreille. Il a décidé, sans en avertir Kinshasa, de nommer Judy Kiaria Nkumiri consul à Goma, une ville qui résume à elle seule tous les malheurs du grand voisin : carrefour stratégique, vitrine économique, mais surtout saignée à blanc par des décennies de conflits interminables.

À Kinshasa, la réaction a été immédiate : «La nomination de tout chef de poste consulaire étranger sur son territoire est subordonnée à son agrément préalable et à la délivrance de l’exequatur par le Ministère des Affaires étrangères à Kinshasa. »

Mais pourquoi Goma ?

Alors que l’Alliance Fleuve Congo a vu le jour à Nairobi, en présence de figures du M23, l’annonce d’un consulat du Kenya à Goma intrigue. Coïncidence malheureuse ou stratégie assumée ? Dans un contexte aussi tendu entre Kinshasa et Kigali, chaque geste compte. Pour Ruto, cela peut être vu comme une tentative d’ancrage économique dans l’Est congolais… mais le timing, lui, complique la lecture.

Selon Naïrobi, le but global de cette réorganisation est « d’optimiser la performance et d’améliorer la qualité du service, conformément au Manifeste du Gouvernement dans le cadre de l’Agenda de Transformation Économique « Bottom-Up » (BETA). » Est-ce vraiment la priorité dans un contexte où la sécurité et la souveraineté congolaises sont fragilisées ?

La RDC souligne que Goma reste occupée illégalement par le AFC/M23 appuyé par le Rwanda, une situation marquée par de graves violations des droits humains documentées par l’ONU et que « dans ce contexte, toute annonce relative à la nomination d’un consul à Goma est particulièrement inappropriée et ne saurait être considérée sans l’aval des autorités congolaises. »

Nairobi, arbitre ou joueur ?

Le Kenya s’était imposé comme médiateur dans la crise congolaise depuis 2022, avec Uhuru Kenyatta comme envoyé spécial. Mais comment rester arbitre quand on se place du côté d’un des belligérants ? Ruto veut-il montrer qu’il est incontournable dans la région ? Ou bien s’est-il tiré une balle dans le pied en froissant Kinshasa ?

Ce même Ruto accusé par son homologue congolais Antoine Félix Tshisekedi d’« avoir pris le parti du Rwanda » fait aujourd’hui un geste qui, pour beaucoup, brouille encore plus les cartes. Kinshasa demande prudence et discernement dans la communication publique « afin d’éviter toute incompréhension, spéculation ou apparence de légitimation de l’occupation illégale en cours. »

Dans ce climat électrique, difficile de croire à un simple hasard de calendrier. Et si, derrière ce geste osé, Ruto voulait simplement rappeler que, dans ce grand chamboulement géopolitique en cours à l’Est de la RDC, le Kenya a son mot à dire ? Reste à savoir si Kinshasa se laissera faire.

 

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