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Le prix du café vaut-il enfin l’effort du caféiculteur ?

Le prix du kg de café cerise vient de passer de 1 350 à 2 800 BIF. De 850 BIF en 2022 à 2800 BIF, le prix du café monte en flèche. Mais une question reste posée : cette hausse est-elle suffisante pour les caféiculteurs, si on tient compte du coût de production ? Plus important encore, cela pourra-t-il booster la production qui est en berne depuis quelques années ? Analyse.

Ce n’est plus un secret, le Burundi a un besoin urgent de devises étrangères pour maintenir à flot une économie au bord du gouffre. Bien évidemment, le gouvernement mise gros sur le café. Hausse du prix du café cerise, promesses de relance, tout pourrait faire croire que les caféiculteurs sont enfin au cœur de la chaine de valeur café au Burundi. Pourtant, il y’a encore des lacunes.

Certes, dans cette stratégie, le prix du kg de café cerise vient de passer de 1 350 à 2 800 BIF. Mais une question alors : peut-on dire que le rêve des caféiculteurs est enfin devenu réalité ? Pour certains caféiculteurs avec lesquelles nous avons discuté, si on tient compte du coût de production, 2800 BIF, reste une somme minable.

Des bénéfices inégalement répartis ?

Bucumi (le nom a été modifié pour garantir son anonymat), agriculteur à Giheta, ne cache pas son amertume : « Quand je compare l’investissement pour un hectare de café, sans parler du temps et de l’énergie, 2800 BIF pour un kg reste un prix trop bas. Nous, les agriculteurs, on ne gagne presque rien, alors que les autres dans la chaîne de valeur, notamment les exportateurs s’enrichissent sur notre dos ».

Le prix au marché international ne leur profite pas, ni la hausse des cours mondiaux, ni la valeur ajoutée créée après exportation. Le prix de 2800 BIF/kg, rapporté à l’inflation actuelle, n’as pas réellement augmenté. Pourtant, le business du café reste rentable d’une manière générale. Le problème est que les bénéfices qu’il génère sont inégalement répartis.

Cette situation illustre un déséquilibre, du fait que les agriculteurs qui fournissent le plus d’efforts sont les moins récompensés, au profit d’acteurs intermédiaires. Ce qui n’est pas sans conséquences. D’après les chiffres, après la reprise étatique du secteur café en 2020 par l’ODECA (Office pour le Développement du Café au Burundi), c’est vrai que le prix aux producteurs a légèrement augmenté, mais la production a chuté.

A titre illustratif, la production, qui était de 25 000 tonnes en 2018, est tombée à 15 054 tonnes en 2020. Et la courbe ne cesse d’aller decrescendo. Pour preuve, en décembre 2023, la Banque centrale (BRB) a signalé une baisse de 46,1 % de la production de café vert, entraînant une chute de 45 % des recettes d’exportation liées à ce produit. Parmi les causes de cette baisse figurait le désintérêt des caféiculteurs, découragés par des prix au producteur trop bas.

Et chez nos voisins ?

Selon l’étude Burundi Coffee Sector Diagnostic Study, les caféiculteurs burundais restent le maillon le moins rémunéré. Au bout de la chaîne, aux marchés occidentaux, le même café burundais est torréfié et revendu plus sous des marques de café « spécialité ». Cette valeur ajoutée est captée par les exportateurs, les importateurs et les marques internationales. Pourtant ce sont ces agriculteurs qui se tapent le gros du travail : culture manuelle, récolte, transport vers les stations de lavage.

Et si nos voisins nous inspiraient ? En Ouganda, un caféiculteur peut toucher  5 USD par kg. Au Kenya, le prix monte jusqu’à 6 USD. Si le secteur café fonctionne et profite aux agriculteurs dans ces pays, pourquoi pas chez nous ?

 

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