Comme une horloge parfaitement réglée, le jour de la célébration de la journée internationale des droits des femmes est arrivé. Comme à l’accoutumée, c’est une occasion pour les femmes de marcher sur les places publiques et de fêter en grande pompe le jour qui est dédié à leurs droits. D’une certaine manière, on dirait que cette journée n’intéresse que les femmes instruites. Le mieux ne serait-il pas peut-être d’en faire une journée de réflexion au lieu de noyer son essence dans les frivolités ?
La journée internationale des droits des femmes a été célébrée pour la première fois le 08 mars 1911 en Allemagne, en Autriche, au Danemark et en Suisse en vue d’obtenir le droit de vote féminin et de dénoncer les discriminations, les inégalités et les violences vécues par les femmes, comme cela transparaît clairement dans le livre Le XXè siècle des femmes de Florence Montreynaud aux éditions Nathan. Je ne m’empêche pas de ressasser le décor grandiose de ce jour hors pair pour nos tendres mamans : des pagnes identiques, des défilés dans les rues avec des pancartes ou des banderoles, des banquets fabuleux et pour couronner le tout, les pauvres papas qui, ce jour doivent prendre le relais de leurs épouses, jouent les baby-sitters jusqu’à porter les nourrissons sur le dos. Tout est bien concocté pour réjouir le cœur de la dame, mais pour 2025, cette journée ne devrait plus se résumer aux festivités et aux futilités.
Des dépenses de trop
Les dames qui fêtent ce jour ne manquent sans doute pas d’embarras dans l’organisation de l’événement, comme d’ailleurs tout le monde ces temps-ci. Elles doivent peiner à trouver tout ce qu’il faut. Avec les moments durs que traversent le pays, le 08 mars n’a plus ses allures de faste somptueux. Les pénuries généralisées y apportent une nouvelle, un bémol agaçant. S’il ne tenait qu’à moi, il faudrait oublier les festivités. Il est en effet inconcevable de s’adonner aux dépenses futiles avec ces prix qui montent en flèche du jour au lendemain et où même les besoins de première nécessité sont à peine assurés. Où vont-elles trouver des rafraîchissants en suffisance pour se désaltérer après les défilés ? Pour celles qui doivent se déplacer d’un coin à l’autre, elles sont sans doute confrontées à un casse-tête de transport avec ce carburant distribué au compte-goutte. L’événement est certes marquant et reconnu mondialement, mais les familles doivent y aller mollo sur les dépenses. Un ami m’a laissé d’ailleurs perplexe en me convainquant que ladite fête, un apanage d’une élite intellectuelle pour lui, est presque totalement méconnue par une majeure partie des femmes burundaises. J’ai eu la curiosité de m’en assurer par un brin de causette avec quelques femmes du monde rurale.
Sont-elles toutes concernées ?
Les propos de mon pote m’ont en quelque sorte éveillé. Il me faut assurément trouver l’identité burundaise du 8 mars pour finalement statuer sur ses raisons d’être. En parlant des droits des femmes, la première idée que j’ai eue est qu’elle concerne toutes les femmes. Dans notre société néanmoins, seules les femmes instruites connaissent ce jour. J’ai demandé à des femmes non instruites croisées sur le chemin si elles ont une idée de ce qu’est le 8 mars. Très peu ont eu la hardiesse de me répondre, tellement la question leur est étrangère. Marguerite*, une femme entre deux âges se rendant aux champs, la houe sur l’épaule, se risque quand même à me répondre : « Mpora mbona abagore bambaye ibitenge bisa bagira ama défilés. Gusa simpora menya ivyo baba barimwo ! » (« Je vois à cette date, des femmes en pagnes uniformes faire des défilés. Mais je ne pige rien de ce qu’elles mijotent ! »). Caritas* quant à elle se contente de marmonner, visiblement embarrassée par la question : « Mbega ivyo si ivy’abakire ! » (« Cette affaire-là, c’est pour les nanties ! »). Et moi qui pensais que le 8 mars était pour toutes les femmes ! Pourtant, cette journée est pour les seules femmes, pas seulement instruites, mais toutes les autres femmes. Finalement, beaucoup d’entre elles ne savent rien de cette journée, ni de leurs droits.
Quid de l’essence du 8 mars ?
Pourquoi ne pas descendre au cœur de notre culture pour revaloriser la femme comme celle dont parle Camara Laye dans son roman L’enfant noir ? Son poème, connu bien sans doute de tous ceux qui n’ont pas séché le cours de français à l’école secondaire tente de réhabiliter cette pauvre femme oubliée : « Ô Daman ô ma mère…femme simple, femme de la résignation…femme des champs, femme des rivières, femme du grand fleuve, ô toi ma mère je pense à toi ».
L’essence du 8 mars n’est pas à chercher dans les fêtes ou festivals, encore moins dans les défilés quasi-rituels. Elle réside dans la lutte pour la valorisation de la femme et de toutes les femmes, instruites ou pas, immergées au fond de chaque culture ! Elle consiste à reconnaître la dignité de la femme en lui accordant les droits qui sont les siens qui, par ailleurs, sont déjà reconnus au niveau national et international. L’essence de cette journée est de rappeler que la voix des femmes compte. C’est ce message qui devrait guider les réflexions à l’occasion de cette journée.