257 Block : viser la lune, ça ne leur fait pas peur

Avec la sortie récente de son EP, Cahier D’essai, ce 24 février 2023, le groupe 257 Block signe son entrée définitive sur la scène musicale du Burundi. On a rencontré ce boys band au parcours atypique et à l’ambition (dé)mesurée.

C’est dans une salle de jeux vidéo située au quartier Kinanira 3 dans le sud de la mairie de Bujumbura qu’un heureux bienfaiteur, qui a accepté de me lifter, me dépose. Je brave la pluie qui tombe et je m’éjecte à l’intérieur de la salle de jeux vidéo. À l’intérieur, deux membres de 257 Block sont déjà sur place.

« Les autres ne sont pas encore là. La pluie, tu vois ? », m’explique Dellard Girineza, 22 ans connu aussi sous son nom de scène de Delladady. À côté de lui, son petit frère, Karl Ngabonziza, 19 ans, m’invite à m’asseoir sur l’une des chaises qui se trouve à côté du sien. Manettes sous la main, il allume FIFA 2021 et me demande : « Joues-tu à la FIFA ? » Alors que je suis sur le point d’acquiescer, je me rappelle mon niveau sur FIFA : « Ah non, tu risques de me tabasser. Je suis trop nul ». Il lâche un petit sourire. 

Je l’observe jouer en attendant que les autres membres du groupe arrivent. Alors que l’ennui commence à m’envahir, je décide de sortir mon carnet et de commencer à gribouiller les questions à poser au « Block » : qui sont-ils ? Comment se sont-ils rencontrés ? Quels sont leurs projets futurs ? Etc.

Des débuts dans le freestyle…

Un peu plus loin de la salle de jeux vidéo, 257 Block possède son propre studio d’enregistrement sur l’avenue Higiro. Un exploit pour un groupe qui vient à peine de voir le jour. C’est là que va se dérouler notre rencontre. Tout le monde est là maintenant : Raul Kenan Ntwari alias 9kr, 19 ans. À côté de lui, Loic Sumiye, 24 ans. Le groupe n’est pas venu seul, il est accompagné par son manager, Anthony Buhire, 22 ans.

Entre quelques blagues, j’apprends de la part de Raul Kenan que 257 Block est né à partir des freestyles. « Mais, avant cela, Delladady venait de sortir un morceau et on se connaissait déjà à l’époque. Je l’ai approché pour lui demander un feat en lui disant que j’écrivais aussi des textes. Je lui ai fait un petit freestyle et on a décidé de former un duo. »

A l’époque, raconte le jeune homme, ils écriront une chanson, mais qui malheureusement ne sortira pas. Après, un troisième, Loic, les rejoindra. « On a commencé avec un freestyle qui a cartonné sur Insta, le 12 octobre 2020 » rappelle Loic. À Karl d’ajouter : « J’ai étudié avec Kenan au secondaire. En classe, on arrêtait de freestyler. On s’était dit qu’après le secondaire, on allait entamer une carrière dans le rap. Et comme Dellard est aussi mon frère, ça a été facile d’intégrer Block 257 ».

D’ailleurs d’où vient le nom Block 257 ? À cette question, Kenan donne la réponse : « Bah, on a pris le code pays, 257, et on l’a associé avec block. Nous vivons tous dans le sud de Bujumbura. Nous nous considérons comme des personnes vivant ensemble. C’est pour signifier que nous sommes unis et soudés comme les gens qui vivent dans les blocs ». 

Ce groupe qui vient de sortir un EP et qui se considère comme « soudé », est aussi ambitieux. Malgré quelques embûches dans l’industrie musicale burundaise.

De grands projets 

Nous continuons à échanger avec 257 Block et plus particulièrement sur leurs projets. Le manager de Block 257, Anthony Buhire assure que  Block 257 a de grands projets : « Récemment on a sorti l’EP « Cahier D’essai ». Mais, à vrai dire, pour le moment, nous nous donnons le temps de bien grandir. On vient de sortir récemment un EP et nous n’avons fait qu’un seul concert au King’s School. Nous ne sommes pas encore un grand groupe très connu dans le milieu du rap aujourd’hui. Cependant, on y travaille ». 

Est-ce que le fait que le groupe n’était pas très connu à Bujumbura malgré deux morceaux à son actif avant « Cahier D’essai » n’est pas dû au fait que la majorité des membres rappent en français ?  « On ne rape pas tous en français. Il y a Dellard qui rappe en kirundi…mais, nous sommes des artistes. Nous sommes guidés par notre inspiration. », répond Raul Kenan. Et d’insérer une petite blague : « Peut-être que Dellard ne maîtrise pas le français, c’est pour cela que son rap est à peine en français ». Tout le groupe pouffe de rire.

La complicité est évidente entre les membres de 257 Block et ça transparait dans leurs chansons. Sauront-ils garder la tête haute dans une industrie musicale exigeante et de surcroît dans un pays où l’art est l’enfant mal aimé de la Res publica ? Loïc Sumiye en est certain : « Nous savons ce que nous voulons ». Et à Dellard Girineza (Delladady) d’ajouter : «  Nous connaissons déjà notre public, nous sommes confiants d’aller jusqu’au bout ». Il en faut de la confiance pour évoluer dans le Buja Fleva. 

On termine sur un petit cliché (s’il en est) qui pourrait coller au 257 Block. En effet, tous les membres du groupe viennent de familles plus ou moins aisées. Ils ont fréquenté l’une des meilleures écoles de Bujumbura, et sont issus des « beaux quartiers ». Je leur pose cette question : « Ne pensez-vous pas que les gens pourraient vous prendre pour des « gosses de riches » ? Et mettre au second plan vos œuvres ? ». 

Tout Block 257 répond : « Nous sommes des artistes avant tout. Nous avons des choses à dire. Un message à donner. L’art prime sur tout. Qu’on soit de gosses de riches ou pas, le principal c’est ce qu’on véhicule à travers nos chansons ». 

Les projets et l’ambition de 257 Block semblent indiquer un groupe qui vise au-delà des frontières burundaises (le fait que leurs textes soient en français est un des signes de cette ambition). Doit-on nous attendre à un groupe de rap qui va conquérir les cœurs de tout un continent (et plus loin encore) comme Kiffe No Beat de la Côte d’Ivoire ? 

Dans tous les cas, le talent pour y arriver, 257 Block, il l’a. Viser la lune ne devrait pas leur faire peur, à en juger d’ailleurs les réactions de Cahier D’essai. Une de leurs chansons (Intention) est un trend en ce moment sur Tiktok. Et on connaît déjà le pouvoir qu’ont les réseaux sociaux en ce 21è Siècle. Mais, 257 Block garde les pieds sur terre et a l’ambition d’aller plus loin. Pour le bien des aficionados du hip-hop et pas que.