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Covid-19 et milieu rural : l’impossible riposte

Sur les 345 cas dépistés positifs à la Covid-19 au Burundi, des cas provenant de l’intérieur du pays y sont aussi signalés. Malheureusement, à y regarder de près, la population du milieu rural semble être dans l’angle mort de la riposte. Coup de projecteur.

Au cours d’une visite à mes anciens collègues de travail, je me suis retrouvé à Masaka. Une zone rurale de la commune Giteranyi. Dans une buvette du coin, mes anciens collègues et moi respectons la distanciation et le lavage des mains. Cependant, du côté des autres clients, la réalité est toute autre. 

En effet, dans ce petit bistrot, un scénario se joue devant moi tel un film d’horreur en ces temps de Covid-19. Une bouteille d’urwarwa circule de mains à mains, pour ne pas dire de bouche à bouche, avec un seul chalumeau partagé par un groupe de dix. Là, c’est sans parler de l’état de leurs habits qui je crois, la dernière fois qu’ils ont été lessivés, c’était sous le règne de Mwezi Gisabo. Et pourtant, le nouveau coronavirus peut survivre pendant six heures sur les vêtements. S’ils ne lessivent pas leurs habits, se lavent-ils les mains ? Une énigme à déchiffrer.

Des préjugés pour certitude

Se laver les mains ?  Mais pourquoi faire ? « C’est la maladie des Blancs et des citadins. Depuis ma naissance, malgré la pénurie d’eau, je n’ai jamais entendu ne fut-ce que le choléra chez nous, alors qu’il ne cesse de faire des ravages chez les citadins, pourquoi alors ces tracasseries de lavage des mains ?», raconte en riant à gorge déployée un jeune homme de 25 ans.

Une jeune maman, qui n’a pas amené son enfant pour être déparasité et recevoir les gouttes de vitamines A, lors de cette semaine mère-enfant qui vient de prendre fin, nous dit se méfier de ces histoires de vaccins et de médicaments en provenance de Chine : « Qui sait si ces médicaments ne peuvent-ils pas être le fameux vaccin du coronavirus ou le virus en soi codé en comprimés et gouttes ? » 

Des défis à relever

C’est une évidence, la campagne « Ndakira, sinandura kandi sinanduza » est à saluer. Mais, quid de sa mise en application en milieu rural ? En parlant de la réduction du prix de l’eau, un jeune de Masaka m’interpelle pour me demander s’il est logique de recommander le lavage des mains dans une zone où il n’y a pas d’eau potable. En effet, avec plus de 35 mille personnes, la zone Masaka ne compte qu’une seule fontaine. Un fait témoin que diminuer le prix de l’eau n’a été un avantage que pour les citadins et non en milieu rural.

Qui plus est, selon un médecin de l’hôpital Giteranyi, même le dépistage massif en cours semble oublier les ruraux. « Le dépistage rural n’est pratiqué pour le moment qu’à Ruyigi et Gitega, quand sera-t-il décentralisé ? », se demande-t-il, avant d’ajouter que ce dépistage qui se fait au chef-lieu des provinces ne fait que profiter aux citadins et pas aux ruraux.

En attendant la rectification du tir, il faut sensibiliser. La propagation de ce fléau en milieu rural peut dévaster le pays vu qu’il dépend de ces populations pour la sécurité alimentaire nationale. C’est par cette sensibilisation que les préjugés seront déconstruits, et que même le savon Bururu aura de l’impact en milieu rural. Espérons que cet angle mort revienne dans le champ de gestion de la Covid-19, avant qu’il ne soit trop tard.

 

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