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Burundi : bébé ou boulot, il faut choisir!

Parler de discrimination basée sur le genre sur le lieu de travail fait sourire dans un pays où le chômage est le plus grand employeur des jeunes. Pourtant, elle existe bel et bien dans quelques entreprises privées, les employeurs n’hésitant pas à menacer pendant les réunions d’embauche : « Surtout pas de femme. » Raison principale invoquée : les congés de maternité liés aux grossesses et aux accouchements.

Annoncer une grossesse au boulot s’accompagne toujours d’une certaine appréhension surtout au Burundi où le chômage est un mode de vie. On a peur de tout. Peur de ne pas y arriver entre les vomissements et les malaises. Peur de ne pas être reprise à la fin du congé. Peur que son remplaçant ou sa remplaçante ne soit plus compétent(e) ou s’il ou elle ne va pas bousiller des mois de labeur. Elsa raconte : « J’avais toutes ces peurs mais il arrive un moment où tu ne peux plus le cacher à ton employeur. Le pire, toutes mes peurs se sont concrétisées. J’ai été poussée à la porte à mon retour de congé. Mon remplaçant avait été excellent. Je me suis retrouvée avec un enfant sur les bras et sans travail alors que le salaire de mon mari ne suffisait pas à couvrir tous les frais de la maison. Je me suis demandée si au lieu de prendre 14 semaines de congé, je n’aurai pas dû prendre que les six semaines obligatoires après l’accouchement. »

Gloria a aussi fait face à une mauvaise expérience : « Je me souviens de cet entretien d’embauche qui se passait très bien. Soudain, celui qui m’interrogeait m’a demandé le nombre d’enfants que j’avais. J’ai répondu que je n’avais qu’un seul enfant. Tout de suite, il s’est tu. J’ai vu qu’il faisait un rapide calcul dans sa tête. Ses yeux disaient le contraire de ce que prononçait sa bouche: « Nous vous contacterons plus tard. ».  Ils ne m’ont jamais rappelée. Ils ont donné le travail à un homme. J’ai glané des informations ici et là. Ils ont refusé de me donner ce poste parce qu’étant une jeune mère, j’allais m’empresser de faire un deuxième enfant et il n’était pas prêt à prendre en charge ce genre de frais. »

Aveu d’un patron

J’ai pu approcher le patron d’une entreprise privée de Bujumbura ayant une centaine de salariés qui m’a répondu en ces termes : « Engager une femme aussi qualifiée soit-elle n’est pas un bon investissement. » De s’expliquer : « Au début de l’exercice de ma société, j’avais parié sur la parité. Au bout d’une année, la moitié des femmes à qui j’avais fait des contrats à durée indéterminée étaient soit enceintes ou soit en congé maternité. L’entreprise venait à peine de démarrer. Ce n’était pas le bon moment. Tout cela chamboule énormément l’organisation d’une entreprise parce qu’il faut chercher des remplaçants, les payer mais continuer aussi à rémunérer toutes ces femmes en congé. Comme les enfants sont encore tout petits, il faut se réorganiser à chaque demande de permission pour un enfant malade. Un processus qui recommence tous les deux ans car les femmes burundaises font beaucoup d’enfants. J’avoue que pour l’instant, j’hésite à engager des femmes et même si l’entreprise prospère petit à petit, je ne crois pas que je recommencerai à faire signer des contrats à durée indéterminée à des femmes. »

Cet aveu sans équivoque faisait écho à tous ces témoignages de femmes que j’avais déjà entendu qui se font virer dès l’annonce de leur grossesse ou qui ne retrouve pas leur emploi après leur accouchement. La plupart d’entre elles ne savent pas quoi faire devant ce genre de situation. Engager un procès pour licenciement abusif est un long processus dont elles ne sont pas sûres de sortir gagnantes. Une seule question se pose alors: « Que choisir entre faire un enfant et garder son emploi ? » D’une part, nous jeunes femmes attendons de trouver un travail pour faire un enfant et contribuer au bien-être de la  famille et d’autre part, il y a des patrons qui disent que ce n’est jamais le bon moment.

 


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