On vit dans une époque où tout est interprété : une blague devient une attaque, une question devient une offense. Et si, dans notre quête de bienveillance, on avait oublié la nuance ? Si tout n’était pas toujours du bodyshaming, mais parfois juste de la maladresse humaine ?
Dernièrement, une amie a publié sur son statut WhatsApp qu’elle en avait marre des commentaires sur son poids. Elle n’a pas dit qu’on l’insultait, non. Juste que les gens avaient trop à dire.
Pourtant, ceux qui la connaissent savent qu’elle a toujours été mince. Depuis qu’elle a accouché, elle a pris un peu de formes, rien de grave. Mais apparemment, il ne fallait pas que tout le monde le remarque. Et là, je me suis demandée : est-ce qu’on ne devient pas un peu trop susceptible ? Est-ce qu’on ne finit pas par rendre tout le monde coupable de juste parler ?
Au pays de l’intolérance, tout devient offense
Aujourd’hui, tout est scruté, tout est interprété. Si tu dis à quelqu’un qu’il a grossi : bodyshaming. Si tu dis qu’il a maigri : tu ravives peut-être un trouble alimentaire. Si tu dis qu’il est beau : tu sexualises. Si tu ne dis rien : tu ignores. Bref, tu perds à tous les coups.
Bien sûr qu’il y a des paroles qui blessent. Mais entre la blague maladroite et l’agression, il y a un espace. Et cet espace-là, se réduit comme peau de chagrin.
Et si on arrêtait un peu ?
Je me dis que parfois, les gens ne parlent pas pour blesser, mais pour comprendre. Une remarque sur ton apparence, ce n’est pas toujours un jugement : ça peut être une inquiétude, une surprise, ou même une maladresse d’affection. Moi, par exemple, quand j’ai eu des boutons au visage, tout le monde m’en parlait.
« Tu as changé de crème ? », « Tu manges quoi ces temps-ci ? » ou bien « C’est le stress ? »
Je n’y ai pas vu de problème. Peut-être parce que je savais que ce n’était pas moqueur, juste humain.
Curiosité et méchanceté ?
La vérité, c’est que le monde n’est pas fait de gens mal intentionnés. Il est juste plein de gens maladroits, curieux, inquiets, parfois trop à l’aise. Mais tout n’est pas toujours du “shaming”. Oui, il faut éduquer à la sensibilité. Oui, certains mots peuvent réveiller des blessures.
Mais il faut aussi apprendre à lâcher prise. Si plus rien ne se dit, plus rien ne se partage. Résultat : personne ne comprendra personne, dans un monde où la suspicion règne en maître.
La limite, c’est quoi au juste ?
Peut-être que la limite, ce n’est pas ce qu’on dit, mais comment on le dit, et à qui. Entre le commentaire bienveillant et l’humiliation publique, il y a un océan. À force de tout transformer en offense, on va bientôt s’excuser d’avoir salué quelqu’un trop fort. On oublie que parler, c’est risquer involontairement de mal s’exprimer. Et que se taire, c’est risquer de ne plus rien comprendre des autres. La vérité ? On n’a pas besoin d’un monde sans maladresse. On a besoin d’un monde où on sait encore faire la différence entre la malveillance et la maladresse.