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Rumonge : sans carburant, les pêcheurs broient du noir

Il y a quelques temps, une sévère pénurie de carburant s’observe dans tout le pays, les pêcheurs de Rumonge ne sont pas épargnés. Leurs activités en prennent un sérieux coup. Ils sont tiraillés entre l’interdiction de s’approvisionner ailleurs en essence et les prix exorbitants de cet or noir sur le marché noir. Billet retour.

Il est 17 heures à Ruvuzo, plus exactement au débarcadère de Rumonge. Bizarrement, le bruit routinier a laissé place à un calme « assourdissant ». Loin de l’animation habituelle connue à cet endroit. Plusieurs pirogues sont amarrées et se balancent sur le lac au gré des vagues. Mais seule une quinzaine de pêcheurs à vue s’apprêtent à prendre le large. 

L’ambiance est morne. Il n’y a que le bruit des vagues qui viennent se briser sur le rivage pour animer l’endroit. La question que je me pose illico est : « Ne sont-ils pas encore dans la période de suspension de pêche avec tant de calme ? ». 

Ma question ne reste pas en suspens. « Détrompez-vous, nous sommes encore dans la période de pêche. 300 bateaux se comptent ici à Rumonge, mais pas plus de cinq bateaux ont pris le large aujourd’hui à cause de cette pénurie de carburant. Le reste ? Voilà, là où ils sont amarrés, immobilisés », explique Gabriel Butoyi, représentant de l’association des pécheurs. 

Avant de renchérir : « La pêche exige beaucoup de carburant, un seul bateau consomme entre 40 à 80 litres par jour. Vous comprendrez alors que sans carburant, la pêche est inconcevable, paralysée ». 

Une épine dans le pied des pêcheurs 

Avec la pénurie de carburant, le ravitaillement sur les stations ne permet plus de faire le plein des moteurs de bateaux. Claude, un des pêcheurs rencontrés sur la baie, ne cache pas son indignation. « Après toute une journée à faire la queue, je n’ai eu droit qu’à 10 litres d’essence, alors qu’il me fallait 60 litres pour lever les amarres », confie-t-il, regard vers l’horizon, perdu. 

Le marché noir ne fait pas de cadeau non plus. « Un bidon de 20 litres coûte entre 125.000 et 150.000 BIF, c’est trop excessif pour s’aventurer dans le lac et espérer un bénéfice sur le poisson », ajoute-t-il.

Même son de cloche avec Jean-Marie Ndayitwayeko, un des ’’patrons pêcheurs’’, propriétaire d’un bateau. Selon lui, les autorités semblent ne pas réserver suffisamment d’attention à la question. 

Même s’il y a lieu de s’approvisionner sur le marché noir dans des bidons, ils les saisissent en accusant les pêcheurs de fraudeurs, alors que l’essence utilisée par ces derniers doit être mélangée à l’huile pour moteur. « Ce n’est pas seulement nous qui avons quelque chose à perdre, même la commune va également en souffrir en ce qui est des recettes communales », renchérit-il.

Effet papillon

Le lendemain à 6 heures du matin, retour au port d’embarquement de Rumonge. Les stands et les séchoirs sont vides. Naturellement, pendant la période de pêche, c’est la ruée, des gens affluent vers le lac Tanganyika attendant que les pêcheurs arrivent sur la terre ferme. 

Une heure plus tard, un bateau se pointe. Un ou deux porteurs avancent pour voir s’il n’y a pas un ou deux caisses à décharger. Que dalle. « Cela fait plus d’une semaine que je n’ai pas eu une seule caisse à décharger car sans carburant, pas de bonne production. Avant je parvenais à gagner entre 60 mille et 100 mille francs par jour, mais aujourd’hui, c’est le chaos », raconte Clément, un des portefaix approchés. 

A côte de lui, Consolate, cuisinière des pêcheurs, est au chômage forcé. Anitha, vendeuse de poissons au petit marché, vient de passer une semaine sans travailler. 

Difficile pour elle de joindre les deux bouts du mois. « Le poisson que j’achetais à 3.500 BIF pour le revendre à 5.000 BIF, aujourd’hui est acheté à 6.500 BIF pour le revendre à 7.000 BIF, mais les gens sont réticents et se plaignent de l’envolée des prix », se lamente-t-elle.

Les recettes communales en chute libre

Pour Jérémie Bizimana, administrateur de la commune de Rumonge, c’est une triste réalité.  « La commune a déjà perdu plus d’un million de BIF, depuis que le carburant s’est fait rare. Nous collectons 4.000 BIF de taxes sur une seule caisse de poissons, mais avec ce manque de carburant, la quantité de poisson a diminué », précise-t-il. 

À titre d’exemple, avant cette crise, la commune pouvait percevoir entre 400 mille BIF et 1 million BIF par jour. « Aujourd’hui, même si on n’a pas encore de chiffres sous la main je peux vous dire que notre caisse en souffre. Puisque s’il n’y a pas assez de poisson, comme conséquence, les recettes sont absentes », justifie-t-il. 

Nonobstant, une lueur d’espoir s’annonce. Selon cet administratif, une autorisation spéciale pour les pêcheurs de s’approvisionner ailleurs, et même en bidons, est en train d’être négociée auprès du ministère ayant le carburant dans ses attributions. Que de bons jours se pointent, et que le ’’mukeke’’ revienne dans nos assiettes !

 

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