À Bujumbura, les chauffeurs de bus et de taxis semblent avoir leur propre style de roulage. Convaincus que la route leur appartient, leur mantra est : « Pourquoi partager la route quand on peut la dominer ? » Le code de la route ? Trop peu pour eux ! Ils préfèrent improviser un ballet impromptu. Une chorégraphie déroutante, où le respect de l’autre et le bon sens sont facultatifs.
Les conducteurs de bus et de taxis ne répondent qu’à un seul commandement : « Double comme si ta vie en dépendait ! ». Chaque jour, ces virtuoses de la route nous offrent une symphonie d’accélérations brusques et de manœuvres audacieuses, transformant ainsi chaque dépassement en une performance artistique. Vous avez peut-être déjà été témoin de ce ballet effréné où ils vous dépassent à coups de klaxons à vous réveiller les morts, pour se faufiler juste devant vous. La raison n’est autre qu’une course contre la montre pour capturer plus de passagers. La scène qui s’offre à vous est presque émouvante, tellement elle vous laisse en spectateur ébahi. Mais l’inverse ne marche presque jamais. Combien de fois avez-vous réussi, vous, à dépasser facilement ces engins ? Car oui, ce conducteur a beau te voir dans son rétroviseur lui demander de le dépasser, il va juste bouger pour bien se mettre au milieu de la route, histoire de te faire ch…* un peu. L’expression « prendre sur soi » n’a jamais eu plus de son sens que pendant ces moments-là.
Priorité, c’est quoi ?
La notion de priorité n’existe tout simplement pas. Et ce serait malhonnête de pointer les doigts que sur les conducteurs de bus et de taxis. Mais dans les rues de Bujumbura, vouloir suivre le code de la route, c’est un peu comme vouloir déchiffrer une prophétie ancienne. Il est parfois plus simple de trouver un espace où se faufiler dans ce capharnaüm de klaxons à midi plutôt que de se souvenir qui a la priorité dans ce tournant. Mais puisqu’aujourd’hui, c’est d’eux dont il est question, ne nous gênons pas. Qui dit conducteur de transport en commun, dit conducteur prioritaire partout et en tout temps, personne invincible, intouchable. « Iron man » en chair et en os. Pour les conducteurs de bus, est-ce la hauteur de l’engin ou le fait d’être capable de transporter une trentaine de passagers qui confère un tel sentiment de supériorité ? A creuser.
Le code mystérieux des clignotants
Parmi ces conducteurs, certains ont élaboré leur propre code des clignotants. Pour eux, ces indicateurs de direction sont bien plus que des outils pratiques, ce sont des accessoires décoratifs. Pourquoi signaler un changement de voie de manière ordinaire quand on peut jouer à un jeu de devinettes avec les autres conducteurs ? « Je vais à gauche ? Peut-être à droite ? Mystère ! ». Combien d’entre nous avons eu la malchance d’être derrière un bus ou un taxi qui freine brusquement devant nous, car hélé par un client ? A cet instant, on se découvre un talent insoupçonné : celui d’être capable de sortir des injures à retourner l’arrière-grand-mère dans sa tombe.
Ainsi donc dans les rues de Bujumbura, chaque trajet est une performance imprévisible, une aventure où l’imprévu est la seule règle immuable. Restez sur vos gardes, car sur ces routes, le spectacle ne s’arrête jamais. C’est aussi cela, sans doute, le charme de Bujumbura.