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La restriction de la circulation des marchandises déstabilise le marché

Le ministère de l’Intérieur a récemment annoncé la suspension temporaire et immédiate de l’octroi des autorisations de collecte de la récolte par les commerçants jusqu’au 20 juin. Mais, ces restrictions imposées sur la commercialisation de certaines marchandises étouffent les marchés de la mairie de Bujumbura. Reportage

« Celui qui sera surpris en train de faire la collecte des vivres tels que le maïs, le sorgho, les arachides, le riz, le haricot et le petit pois sera sévèrement sanctionné », peut-on lire dans le communiqué signé le 8 juin 2023 par Martin Niteretse, ministre de l’Intérieur. Lors de la réunion avec les gouverneurs, il a expliqué que c’est dans le but de préserver la récolte et d’empêcher la spéculation pratiquée par les commerçants au début de la récolte. Sur les marchés de Bujumbura, l’impact de cette mesure est déjà visible.

Des conséquences immédiates sur le marché local

Ce 13 juin, nous avons effectué un tour sur le marché pour constater la situation qui prévaut. A « Bujumbura City Market » communément connu sous le nom de « Kwa Siyoni », une des destinations des produits vivriers à Bujumbura, les prix ont fortement augmenté. Alors qu’un kg de haricot jaune était à 3000 Fbu début de juin, il est à 4000 Fbu aujourd’hui, soit une hausse de 1000 Fbu. Pour le haricot Kinure, le prix oscillait entre 2200 et 2300 Fbu, selon la qualité. Actuellement, il varie de 3300 à 3500 Fbu, soit une hausse de plus de 1000 Fbu. 

Cette envolée des prix s’observe également sur d’autres produits concernés par la mesure de l’administration. Le prix du grain de maïs qui était fixé à 1900 Fbu le kg a grimpé pour atteindre 2200 Fbu, enregistrant 200 Fbu d’augmentation. Nous nous sommes aussi dirigés à Nyakabiga I. Les commerçants sont déboussolés, mais aussi les acheteurs. Un kg de riz tanzanien de première qualité coûte 5000 Fbu alors qu’au début du mois de juin ce prix ne dépassait pas 3500 Fbu. Pour le riz le moins cher, le prix d’un kg a bondi de 3200 à 3600. 

Les consommateurs consternés

Si les commerçants se lamentent du fait qu’il devient difficile de s’approvisionner, les consommateurs, eux, sont les premiers à subir cette hausse des prix. « C’est la première fois que nous expérimentons ce phénomène au début de l’été. Ça me fait peur quand j’imagine comment on va vivre dans les jours à venir », lance une femme dans la cinquantaine appuyée sur une balance en train d’acheter du haricot. Cette enseignante de l’école secondaire pense que les autorités devraient bien étudier les conséquences de certaines mesures sur la vie de la population. « Nos dirigeants doivent prendre des mesures, mais il faut aussi penser à nous, les familles qui doivent nourrir des enfants », se lamente à voix basse la femme tout en comptant ses billets. 

Pour G.B, une étudiante habitante du quartier Nyakabiga, la hausse du prix du haricot a bouleversé complètement ses prévisions mensuelles. « Nous avons toujours besoin du haricot pour cuisiner. Cette hausse des prix nous oblige à revoir nos prévisions de dépenses alors que nous n’avons pas d’argent », explique cette jeune étudiante venue acheter du haricot. 

Pour Ange Kimana (nom d’emprunt) qui détient un restaurant à Bwiza, la hausse du prix du haricot la désole. « Nous espérions que le prix du haricot allait continuer à baisser avec la récolte, mais c’est le contraire et cela complique notre travail », confie-t-elle.

L’économie en pâtit

 Si le ministre parle de stratégies pour éviter la hausse des prix causée par la spéculation entretenue par les commerçants dans les mois qui suivent la récolte, il s’avère que la mesure de suspension de la commercialisation des produits est un frein à l’économie. En effet, certains commerçants affirment attendre la fin de la mesure du ministère de l’intérieur pour relancer leurs activités. « Il y a ceux qui sont déjà en rupture de stock pour un ou deux produits. Je pense que moi aussi je risque de me reposer très bientôt », nous a confié un détaillant du marché Ngagara II appelé aussi « Kuri Cotebu »

Or, le ralentissement de l’activité commerciale plombe l’économie car il implique la compression des dépenses et celle des taxes. Pire, pour une ville comme Bujumbura qui doit s’approvisionner à partir des différentes provinces, cette mesure risque de créer bien plus de problèmes. 

Pour Pierre Nduwayo, président de l’Association Burundaise des Consommateurs (ABUCO-TI), le problème est réel. Cet activiste affirme que la mesure du ministre de l’intérieur rend difficile la vie dans les villes qui doivent s’approvisionner à l’intérieur du pays. Pour lui, les décideurs devraient voir comment accorder une dérogation spéciale pour permettre aux produits alimentaires à destination des villes de circuler afin d’éviter les difficultés. Cependant, il reconnait le droit des décideurs politiques de prendre des décisions qu’ils jugent importantes pour le bien du pays. 

 

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