Longtemps perçues au Burundi comme des écoles réservées aux familles urbaines, les écoles maternelles semblaient hors de portée pour bon nombre de parents vivant en milieu rural. Grâce à l’appui de l’Unicef, les enfants de Kiremba à Muyinga, ont désormais accès à une éducation préscolaire dans un environnement stimulant et bienveillant. Plongeons dans l’ambiance de cette petite école.
Pas de grands murs peints, pas de parking ou de portail. Juste une cour en terre battue, de petites classes modestes. Les rires d’enfants et les chansons rythmées par les petites mains qui tapent sur les tables, m’accueillent bien avant que je ne franchisse la porte de l’école.
J’entre dans la salle de classe (bien sûr après avoir obtenu la permission du Directeur). Les tout-petits, âgés de 3 à 4 ans, sont assis sur de petites chaises colorées, concentrés sur leurs cahiers de dessins. Certains tracent maladroitement des formes avec des crayons de couleur, pendant que d’autres répètent en chœur les voyelles, sous l’œil attentif de leur enseignante, Félicité Nduwarugira.
« Ici, nous apprenons en chantant, en jouant, en racontant des histoires. L’enfant s’éveille doucement, apprend à tenir une craie, à parler sans peur. Quand il arrive au primaire, il est déjà prêt, confiant. », confie Félicité Nduwarugira.
L’enseignante ajoute :« Quand les enfants arrivent ici, ils ne savent ni parler clairement, ni tenir une craie. Mais après quelques mois, ils chantent, ils jouent, ils dessinent… Et surtout, ils apprennent à vivre ensemble. Quand ils passent en première année, la transition est beaucoup plus douce ».
Un objet de la classe attire mon attention : un drôle d’appareil. Loin, on dirait un appareil radio, avec une tête de lapin. Quand je demande à Mme Nduwarugira ce qu’est cet objet un peu hors du commun ; elle m’explique que c’est un outil éducatif interactif développé localement et distribué par l’Unicef dans 20 écoles de Muyinga et Kirundo. Sans connexion internet ni électricité, ce petit bijou raconte des contes traditionnels et enseigne les lettres et chiffres.
« Les enfants l’écoutent avec fascination. C’est magique », d’après Félicité Nduwarugira.
Trois ans : trop petit pour être à l’école ?
Sur mon chemin retour, je me rends compte que, tout le monde n’est pas encore convaincu de l’importance de commencer l’école très tôt pour l’enfant. Goreth Niyomwungere, une maman que j’ai croisée quand elle rentrait chez elle, la houe sur l’épaule, m’a confié avec un sourire ironique que commencer l’école à 3 ans, c’est bon pour les « Blancs » ou ceux qui ont les moyens : « À cet âge-là, un enfant est encore trop petit pour apprendre, mieux vaut attendre 7 ans ».
Néanmoins, il y a d’autres parents qui ne sont pas de cet avis. Jeanne Nyandwi, une maman dont le petit garçon fréquente l’école préscolaire raconte :« Moi, je suis contente que mon enfant soit en maternelle. Quand je vais au champ, je travaille l’esprit tranquille parce que je sais qu’il est bien encadré, en sécurité, et qu’il apprend. À Kiremba II nos enfants sont protégés et valorisés». Pour Jeanine Ndereyimana, enseignante, « l’école maternelle aide les enfants à vaincre leur timidité. Ils s’expriment mieux, s’intègrent plus facilement, et développent leur confiance en eux ».
Avec cette aventure, je note que malgré les idées préconçues, les bienfaits du préscolaire sont indéniables : bon encadrement, développement cognitif, meilleures performances quand l’enfant commence l’école primaire, etc. L’accès à la maternelle est aussi une clé de justice sociale, surtout dans un pays comme le Burundi où les inégalités peuvent se creuser dès le berceau, particulièrement pour les enfants du milieu rural.
Les propos de la Représentante de l’Unicef au Burundi, France Begin, prennent ici tout leur sens. À l’occasion de la revue des réalisations du plan annuel de juin 2024 à juillet 2025 , France Begin a fait savoir que « sans le développement et l’épanouissement de l’enfant, la vision d’un Burundi émergent en 2040 et développé en 2060 restera une illusion ». Pour y parvenir, mettons l’accent sur l’éducation, en particulier l’éducation préscolaire, même en milieu rural, afin de poser une base solide. Le modèle de Kiremba II en est l’exemple parfait.