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Rebond du taux d’inclusion financière, l’arbre qui cache la forêt ?

La Banque centrale vient d’annoncer un taux record d’inclusion financière au Burundi. Il culmine à 78.7 % de la population adulte, un chiffre qui contraste avec la réalité sur terrain, si on tient en compte l’accès aux services financiers et la qualité de prestation des institutions financières locales. Il renferme d’énormes disparités sur le plan de l’accessibilité et la qualité des services.

Les résultats d’une nouvelle enquête sur l’inclusion financière révèlent que 4,6 millions, soit 78,74 % des Burundais adultes sont « financièrement inclus ». Cela veut dire qu’ils utilisent des produits/services formels ou informels pour répondre à leurs besoins financiers.

Le document de trois cents et une page renseigne sur la progression du système financier au Burundi. Sans surprise, le nombre d’institutions financières connaît une croissance exponentielle au cours de la dernière décennie. « L’offre des services financiers formels au Burundi est assurée par 102 institutions financières dûment agrées contre 33 en 2012. Parmi ces institutions figurent 14 banques commerciales, 1 établissement financier, 82 institutions de microfinance et cinq établissements de paiements », détaille le rapport.

Paradoxalement, une grande partie de ces institutions se concentre au niveau des centres urbains. Ce qui limite l’accès aux services financiers classiques. Les points de services des institutions financières se concentrent dans la province de Bujumbura à hauteur de 40,26 % avec une forte concentration dans la ville de Bujumbura.

Un accès encore limité

En plus d’une répartition disproportionnée, l’accès aux services financiers pour la population burundaise fournit des éléments sur une bonne maîtrise des institutions pouvant leur offrir des services financiers et non financiers. Un sondage réalisé auprès d’une population de 15 323 révèle que 42 % des répondants ne connaissent aucune banque opérant au Burundi. Ils connaissent plutôt les institutions de microfinances dont leurs agences sont implantées près de chez eux.

L’accès à un compte d’opérations courantes est une étape cruciale vers une inclusion financière. Il signifie le pourcentage de la population adulte ayant un compte dans une institution financière formelle. D’après les données de cette enquête, ce pourcentage atteint 19,7 % en 2024 contre 12,5 % en 2012 au Burundi. En réalité donc, le taux d’inclusion financière dans notre pays oscille autour de 20 %.

Le reste évolue dans divers systèmes financiers informels (associations informelles, « Ibirimba » et d’autres formes informelles dites « Umugwazo » ou « Kumena Ijisho », etc.). Malgré leur interdiction, ces groupements informels organisent la collecte de l’épargne et donnent des crédits à leurs membres. Désormais, le phénomène touche pour le moment 15 % de la population alors que de pourcentage était de 11 % en 2012.

Des obstacles à l’inclusion financière

Même si ce taux d’accès à un compte courant a évolué, il reste faible et inférieur aux taux observés dans certains pays de la région comme le Kenya (24 %). Au Burundi, les principaux obstacles à l’ouverture d’un compte dans une institution financière formelle sont notamment la pauvreté monétaire, le manque d’opportunités économiques et le fait de garder son argent chez soi, apprend-on de l’enquête.

Pour les enquêteurs, ces raisons dénotent d’un manque de sensibilisation de la population quant à l’importance de l’inclusion financière. Les usagers restent réticents parce qu’ils estiment qu’il est difficile de faire des transactions monétaires via un système bancaire classique.

La qualité des services laisse à désirer

L’enquête met en exergue la performance de nos institutions financières. Ainsi, 17 % des personnes interrogées ne sont pas du tout satisfaites.

En matière d’inclusion financière, l’accès au crédit est tout aussi important que l’accès à un compte ou à l’épargne. Selon les données de l’enquête, les obstacles pour accéder au crédit ou un découvert incluent l’incapacité de rembourser, le manque d’intention de demander un crédit, la peur de s’endetter alors que d’autres n’ont aucune information sur les procédures de demande et les conditions d’octroi d’un crédit.

Le mobile money, catalyseur d’inclusion financière ?

Les transferts de fonds sont devenus de plus en plus importants pour un bon nombre de pays en Afrique en général et au Burundi en particulier. Les conclusions d’une étude sur les systèmes de transferts d’argent montrent que l’utilisation de mobile money et cash (main-main) prédominent par rapport aux modes de transferts (mobile banking, tierce personne, voyageur, etc). « Cela montre que la population burundaise est dans la précarité suite au non-développement de ces modes de transferts », estiment les auteurs de cette étude.

Le pays dispose de trois établissements de paiements Emetteurs de Monnaie Electronique (EME) à savoir : Lumicash, Ecocash et Cashtel. En plus des EME, il existe 16 institutions financières qui offrent les services financiers numériques via leurs plateformes de paiement digitales. Le nombre de titulaires de comptes en monnaie électronique ouverts auprès des établissements de paiement émetteurs de monnaie électronique s’élèvent à 7 769 731 utilisateurs au premier trimestre de 2025. Mais seuls 20 % du total de comptes enregistrés sont actifs, lit-on dans une note trimestrielle de la BRB sur la performance des systèmes et moyens de paiement.

Quid de l’efficacité des plateformes de paiement numérique ?

Cette note renseigne également sur l’évolution des transactions via la téléphonie mobile. Durant cette période, l’ensemble des transactions totalise plus de 4 001 milliards de BIF transitant majoritairement (96 %) sur les comptes mobiles ouverts dans les établissements de paiement émetteur de monnaie électronique.

L’offre de services financiers via la téléphonie mobile est restée circonscrite aux services de première génération, à savoir les opérations de dépôt et de retrait d’espèces, les transferts, les paiements chez le commerçant ainsi que les achats de recharge téléphonique. Il est à noter qu’il y a une grande prépondérance pour les opérations de dépôt et de retrait. Les utilisateurs développent une vision simpliste et considèrent encore les services financiers numériques comme un moyen de transfert de l’argent via son téléphone en dépit des systèmes de paiement des biens et des services généraux (acheter des unités cashpower, payer des fertilisants, régler des factures, payer les services fiscaux, etc.) et bancaires en cours de déploiement.

Une révolution numérique, mais….

Face au progrès de la digitalisation des services financiers et à l’évolution des comportements des consommateurs, les banques commerciales et les institutions de microfinance investissent massivement dans les technologies numériques pour améliorer l’accès, la rapidité et la sécurité de leurs services. Il s’agit d’un phénomène encouragé par l’adoption des smartphones et la demande croissante de services bancaires digitaux, selon la banque centrale.

Cependant, des défis subsistent, notamment l’accès encore limité à la technologie et le coût élevé de mise en œuvre ainsi que la lenteur dans l’adoption en raison du manque de confiance des consommateurs. Les chercheurs recommandent aux responsables politiques de mieux évaluer les vrais déterminants des transferts en vue de faciliter la mise en œuvre des politiques et des interventions visant à faciliter les transferts d’argent au Burundi.

 

 

 

 

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