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Nyakabiga fait peau neuve

Nyakabiga renaît de ses cendres. Jadis quartier populaire marqué par la violence et l’ombre de l’avenue de la Mort, il se transforme aujourd’hui en un lieu vibrant où les rues pavées, les bars animés et les immeubles modernes attirent jeunes et familles. Entre mémoire douloureuse et renouveau prometteur, Nyakabiga montre qu’il est possible de tourner la page tout en gardant son âme.

Il n’y a pas très longtemps, Nyakabiga faisait partie de ces quartiers populaires aux rues en terre battue où l’éclairage public était un vieux souvenir. Ceux qui ont grandi dans ce quartier se rappellent sans aucun doute d’utunjiya, ces petites ruelles entre les parcelles où l’on se faufilait aux heures avancées, pour rentrer discrètement et échapper aux catcheurs, ces voleurs qui dépouillent les passants. Nostalgie, nostalgie, comme l’a si bien chanté Yoya Jamal, Nyakabiga yanje….ndagukumvuye s’ugufyina….

D’un passé sulfureux à un avenir prometteur

Le mouton noir essaie de défaire de son passé qui lui colle à la peau. L’autre particularité de Nyakabiga est cette avenue qui a forgé sa renommée dans le sang, à savoir l’avenue de la Mort. Ce n’est pas pour rien que ce triste sobriquet lui a été fabriqué. De nombreux Burundais y ont perdu la vie, à l’aune de la haine ethnique.

Avec la guerre fratricide qui a secoué le pays après l’assassinat du président Melchior Ndadaye, Nyakabiga est devenue une souricière, un piège à rats où y vivre revenait à jouer au cache-cache avec le danger. Avec la balkanisation consécutive à la crise de 1993, Nyakabiga est devenu le berceau de la contestation avec son lot de manifestations et de villes mortes. La crise de 2015 est venue comme une dague plantée au flanc de Nyakabiga, alors qu’il pansait encore ses plaies héritées du passé.

La renaissance

Depuis, bien de l’eau a coulé sous le pont de ce quartier. Depuis quelques années, Nyakabiga mue comme un reptile qui se défait d’une vieille peau. Toutes ses rues sont maintenant pavées et bordées de canalisations pour les eaux de pluie. À quelques exceptions près, elles sont aussi éclairées et on y circule la nuit en toute sécurité.

Les maisons modernes sortent de terre comme des champignons. De plus en plus d’immeubles d’appartements pour location apparaissent. Quant aux bars, qui ont toujours été l’un des lieux les plus fréquentés, même le plus grincheux des nases ne peut se plaindre. Kwa Gafaranga, Ku Kanogo, Tujajure ou Kungoro n’existent plus, c’est un fait. Mais Nirvana a traversé le temps et on peut toujours y déguster une bière bien tapée accompagnée d’une brochette de chèvre. Les nouveaux hauts lieux des nuits de Nyakabiga sont Molena, Oxygen (ancien Palacio), etc. Qui aurait imaginé, il y a quelques années, que les jeunes, toutes ethnies confondues, convergeraient vers ce quartier pour s’amuser et passer de bons moments ? Quelques bars branchés, comme kwa Docta, Double M ou Bigiland, proposent même des karaokés.

Avenue de la Mort ou de la Vie ?

L’ancienne avenue de la Mort peut désormais prétendre à un autre nom : avenue de la Vie. Tu demandes pourquoi ? Fais-y un tour un samedi soir, tu ne seras pas déçu. L’ambiance n’a rien à envier à celle qui règne à l’avenue de l’Université (Zoom, Maquis, etc) ou au boulevard de l’Uprona (Cristal, Malibu, etc.) Outre le fait qu’elle soit éclairée, l’avenue est bordée de plus en plus de bâtiments « new look ». Bamako a fermé ses portes à cause de quelques errements, mais les lumières tamisées d’Oxygen attirent les jeunes comme des mouches grâce à la Rumba congolaise.

Sur cette même avenue, on trouve des salles de réception, des mini-alimentations et des légumières.

Quelques lacunes

Si les bistrots ont pignon sur rue, Nyakabiga manque toujours de restaurants. Hibiscus peine à exister, mais comble quand même une grande brèche. Kwa Mama Saido n’est pas vraiment un vrai resto au vrai sens du terme. Les locaux ont été restaurés, mais le menu laisse à désirer. Même le type qui faisait les côtelettes de chèvre près de la 14ᵉ avenue a foutu le camp. Il ne reste que l’infatigable dame qui concocte des plats succulents d’Akabenzi à la 12ᵉ avenue, kwa Mama Bébé.

En dehors des bars, qui font des heureux quand même, peu de lieux de loisirs pour Nyakabiga. Les bureaux de la zone Nyakabiga étant en rénovation, l’administration a momentanément déménagé dans l’espace du Centre jeune. Pour une partie de foot entre copain, on peut se rendre à l’Université du Burundi ou au Lycée Scheppers. Rien d’autre ! L’autre préoccupation que relèvent souvent les fêtards est que Nyakabiga est entouré de barrières de contrôle de police : des fils de fer barbelés à l’avenue de l’Université, à l’EPJP (tout près de SOS). Bien sûr que c’est pour la sécurité des citadins, sauf que le fêtard ne le voit pas ainsi.

 

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