Unique en son genre, l’École Technique Secondaire des Arts (ETSA) sort de l’ordinaire. Elle est la fierté de la province Gitega, la seule ville à posséder un tel établissement. L’art se perfectionne aussi sur les bancs de l’école. Reportage.
Ce joyau a vu le jour le 1er septembre 1967, fondé par des missionnaires italiens. Son emplacement actuel n’a pas toujours été le même. « Cette école, a d’abord été installée à Mutwenzi, puis elle a déménagé à Mushasha. Elle a été déplacée et agrandie en 1969, et les premiers lauréats ont obtenu les diplômes A2 cette même année », confie
Aujourd’hui, l’école se trouve dans le quartier Nyabututsi, à proximité de l’ENF (École Normale des Filles, actuellement lycée Sainte-Thérèse). Les deux écoles bordent la route menant vers Mushasha. Impossible de se tromper sur l’identité de l’école d’art : le décor à l’entrée en révèle immédiatement les charmes.
De l’art à l’architecture
Une nouvelle clôture a été érigée récemment pour délimiter et protéger le périmètre de l’école. Son mur, en cours de finition, fait appel aux talents des artistes qui ont probablement été formés au sein de l’établissement. Ils y appliquent une touche de peinture, à commencer par l’incontournable cercle chromatique. L’intérieur de l’enclos est également très révélateur. Deux gazelles finement sculptées se dressent gaiement le long de l’allée menant aux bâtiments. Un imposant éléphant, façonné avec une grande adresse, se tient également sur le côté du sentier. La face frontale du mur, visible depuis la cour intérieure, présente une reproduction du célèbre tableau de Léonard de Vinci : La Joconde. Le bâtiment lui-même est une œuvre d’art, tant par son plan que par ses matériaux de construction.
Dans une salle dédiée aux expositions, sont présentées les œuvres des élèves de l’école. Il est facile d’y trouver des portraits des présidents ayant gouverné le pays, réalisés sans doute par les jeunes talents formés ici. Une statue de feu président Pierre Nkurunziza y figure également, témoignant du génie cultivé dans cet établissement. Depuis sa fondation, l’école a exercé une forte influence sur la culture et l’histoire du Burundi, même si certains ignorent son existence.
Quid des réalisations ?
Pour nous imprégner des grandes réalisations de cet établissement, nous avons interrogé un enseignant. Celui-ci nous a dressé un panorama des grands moments qui ont marqué l’histoire de l’école. Le 15 octobre 2017, l’ETSA a célébré son 50e anniversaire. Ce jubilé d’or a été l’occasion de dresser un bilan de ses réalisations. En premier lieu, de nombreux lauréats ont été diplômés et sont sortis fièrement après avoir démontré tout leur talent. Des figures emblématiques du pays, comme Gaston Sindimwo, ancien vice-président de la République, Pierre Claver Sendegeya, un des candidats à la présidentielle de 1993 ont évolué au sein de cette école. Bien plus, ses anciens élèves ne manquent pas d’initiative, comme ceux issus des autres grandes écoles. Certains vont même jusqu’à matérialiser les leçons apprises par des créations entrepreneuriales. C’est le cas du Stylish Art Design, un atelier de sculpture situé à Gitega, fondé par Arsène Sindayikengera, un ancien élève de l’ETSA.
Il y a plus : les statues du Prince Louis Rwagasore et du président Melchior Ndadaye, qui dominent majestueusement le lieu communément appelé « Ku giti c’urukundo » à Bujumbura, sont l’œuvre de l’ETSA. Notre interlocuteur nous en explique les raisons : « Les statues commandées en Chine étaient jugées de qualité médiocre. L’État a alors fait appel à l’ETSA, qui a, en un tournemain, démontré son talent inégalé. Et le coût a été très raisonnable : 6.000.000 BIF pour des œuvres aussi majestueuses ! ». Le talent qui se cultive dans cette école sert ainsi la nation en préservant son histoire à travers des sculptures de haute qualité.
Les perspectives
Comme toute autre institution, l’école d’art aspire à étendre son influence à travers tout le pays. L’idée, qui est dans les cartons depuis longtemps, d’ouvrir une antenne à Bujumbura reste un projet non réalisé, mais qui demeure une préoccupation pour la direction. De plus, l’art n’étant pas le domaine de tous, l’effectif des élèves de l’ETSA reste réduit. En raison de cet intérêt limité, les élèves artistes ne sont pas les seuls à y vivre. Plusieurs jeunes filles et quelques garçons suivent les cours dans des lycées voisins tout en résidant à l’ETSA.
Un autre projet d’avenir est de mettre à profit les talents exceptionnels des élèves de l’école. La récente visite du président de la République, Evariste Ndayishimye, a ravivé l’espoir de voir l’établissement atteindre son plein potentiel. Le président souhaite que l’ETSA devienne « une école-industrie » produisant des carreaux, des vases, des vitres, etc. Ces créations pourraient être commercialisées, générant des revenus pour l’école. Cela nécessiterait bien sûr un budget conséquent, que l’école devra mettre du temps à rassembler.
Il est important de noter que l’école d’art ne forme pas uniquement des enfants armés de pinceaux pour tracer et matérialiser des formes. Elle propose également d’autres matières, comme dans n’importe quelle autre école. Son emploi du temps est dense et pluridisciplinaire : « Tous les cours de la section scientifique sont dispensés, à l’exception de la biologie », précise notre interlocuteur. En conséquence, l’élève formé à l’ETSA sort polyvalent, prêt à exercer dans de nombreux domaines de la vie du pays.