Après la grosse frayeur de ce lundi, le lac Tanganyika ayant pris une inquiétante mais finalement inoffensive couleur verte, il est temps de s’interroger sur la pollution et les graves conséquences auxquelles nous nous exposons.
Au début, quand j’ai entendu des audios en swahili d’une femme vraisemblablement effrayée par ce qu’elle voyait, j’ai cru à une intox de plus relayée sur whatsapp. Le lac qui serait tout d’un coup devenu vert? Impossible, sûrement un autre scénario à la Nollywood (ces films nigérians friands de scènes de sorcellerie), me disais-je en souriant.
Mais lorsque des vidéos puis des témoignages de gens qui avaient vu ça de leurs propres yeux non loin du port de Bujumbura ont commencé à circuler, j’ai pris la chose au sérieux, me demandant si nous n’étions pas frappés des 10 plaies de l’époque de Moise. Et vu la panique qui s’en est suivie, je pense que je ne suis pas le seul à avoir pensé à ça.
Le ministère de la Sécurité a tenté, dans un tweet d’apaiser l’opinion, en vain. Sécurité publique et phénomène bizarre sur le lac, on n’arrivait pas à faire le lien. Heureusement, des experts sont entrés dans la danse et ont dit que le phénomène était naturel, qu’il serait même positif.
Certains avaient commencé à soupçonner une pollution industrielle ou alors due au rejet des déchets ménagers dans le lac. Avec les messages rassurants des experts ici et là, Dieu merci, on est apaisé. Cependant, devons-nous croiser les bras et fermer les yeux sur la crise environnementale qui nous guette si rien n’est fait?
Un clin d’oeil de la nature
L’Ambassadeur Albert Mbonerane, ancien ministre de l’Environnement, aime dire que nous agressons sans cesse la mère nature et que le jour où elle va se fâcher, nous en payerons le prix fort. Et si on considérait ce phénomène comme un clin d’œil de la nature ?
Il y a un mois j’apprenais que les pompes de la station d’épuration de Buterere ont déjà dépassé leur durée de vie et qu’il faut au moins 1 milliard de FBu pour qu’elle puisse fonctionner « effectivement ». Au fait, les machines de cette station qui ont une durée de vie de 15 ans, viennent de faire 20 ans à épurer tant bien que mal les eaux usées de nos foyers et des industries avant qu’elles n’atterrissent dans le lac. Cela voudrait dire que les déchets de nos ménages terminent leur course dans les eaux du lac sans vraiment être traités ?
De nouvelles pompes ont été installées. Mais si le reste des infrastructures est branlant, cela change-t-il quelque chose ?
Faut-il encore rappeler l’état des rivières traversant les quartiers de la capitale ? Allez voir la Nyabagere qui traverse Kamenge, Ngagara et Cibitoke ou la Ntahangwa après qu’elle ait traversé Buyenzi et ces mille et un garages. Ne parlons pas de la Muha qui se faufile entre les habitations de Kanyosha. La majorité des foyers de ces quartiers dont la viabilisation fait plus penser à un labyrinthe qu’autre chose n’est pas reliée aux égouts menant à la station d’épuration. Où donc se déversent leurs eaux usées ? Vous avez tout juste, les rivières, et puis hop, dans le lac Tanganyika !
C’est un peu trop naïf de notre part de croire que mère nature est si inoffensive pour indéfiniment recevoir les coups sans qu’un jour elle les rende ! Ne dit-on pas que « Uwuguheneye ntumuhenere akwita ikibura nyo » ? Il serait judicieux de ne pas pousser à bout les éléments, parce que je ne crois pas qu’on fasse le poids !
A relire : Montée des eaux : et si le lac Tanganyika réclamait justice ?