Ce 31 juillet 2023, les stands du marché de Ruvumera à Bujumbura n’ont pas ouvert comme d’habitude. Les commerçants déclarent que ce geste vise à manifester leur mécontentement face aux nouveaux tarifs des taxes sur les stands et échoppes. Ceux-ci sont passés de 14.000 BIF à 450.000 BIF, soit une hausse de 300%. Un blogueur qui s’est rendu sur les lieux nous partage ses observations. Récit.
Epoustouflé. C’est le mot qui décrirait le mieux mon sentiment cet avant-midi du 31 juillet, quand je sillonnais les allées du marché de Ruvumera de la zone Buyenzi. Tous les stands étaient fermés. En petits groupes, les commerçants discutaient, comme si de rien n’était. D’autres partageaient leurs lamentations, alors qu’ils jouaient à l’Ikibuguzo. Je n’en croyais pas mes yeux. Il me fallait voir l’autorité du marché pour demander ce qui se passe.
Avec mon collègue, nous montons les escaliers. Les bureaux de l’autorité du marché se trouvent du côté nord, premier étage. Un commerçant rencontré à l’entrée du marché, apparemment une connaissance à mon collègue, nous y conduit. Le couloir est très long. Je m’impatiente. Je veux rencontrer ce monsieur ou cette dame, pour qu’il ou elle m’explique ce qu’il/elle pense de cet acte des commerçants. S’y attendait-il/elle? Sur notre chemin, notre guide nous fait savoir qu’il n’y a pas eu de concertation entre ces commerçants. Le mouvement est donc spontané. Ça craint.
Nous voilà enfin devant les bureaux. C’est ouvert. Mon collègue entre le premier. Notre guide et moi restons dehors. Il ne faut pas que cela soit vu comme « igitero » (une invasion). Nous n’avions pas demandé de rendez-vous au préalable, en effet. Administration oblige. A peine, j’ai fini de promener mon regard dans ces étroits couloirs vides du marché, que mon collègue est déjà de retour. « Le commissaire n’est pas là », me fait-il savoir. Ah! « Mais il a reçu beaucoup de journalistes ce matin », lui a révélé une secrétaire.
Les mécontents de Ruvumera
Par où allons-nous commencer ? Mettons de côté l’idée de parler aux autorités. Voyons avec le citoyen lambda. J’ai besoin d’y voir clair. Nous redescendons les escaliers. Au bout de ceux-ci, une dame étale par terre des oranges et des oignons. J’ai envie de discuter avec elle. Je m’accroupis devant elle.
– Bonjour maman. Apparemment, tu es la seule à poursuivre ton commerce. Que se passe-t-il au juste ?
– Les commerçants manifestent leur mécontentement. On leur a appliqué trop d’impôts. Et ils ont raison. 450.000 BIF, c’est trop. Il faut que nos autorités comprennent que personne ne peut trouver nulle part cette somme.
– Mais vous, vous continuez votre commerce. Vous ne vous inquiétez de rien?
– Je n’ai présentement pas d’autres choix. Si je l’avais su, je ne me serais pas approvisionnée ce matin. Tout mon capital est ici. Malheureusement, si eux n’ont pas ouvert, je ne vais rien vendre. Ce sont eux mes clients.
Derrière moi, une voix féminine parle : « Si nous avons élu des autorités, c’était pour qu’ils nous rendent la vie facile. C’est ainsi qu’ils peuvent, eux aussi, espérer être réélues. Ceci n’est qu’une petite chose. Si rien n’est rapidement fait, demain risque d’être incontrôlable, quand nous allons descendre dans les rues. »
Sur ces mots, je me suis senti investi d’une sorte d’épouvante. J’ai demandé à mon collègue si nous pouvions nous retirer. « Il y a d’autres personnes qui veulent nous parler, il faut qu’on les voie, de l’autre côté des kiosques », m’a-t-il répondu. Tâchons de faire vite, ai-je demandé.
Cette loi est une bombe à retardement
Après les vagues de 2015, je n’osais pas m’imaginer que les Burundais auraient encore une fois l’idée risquée de manifester leur désaccord de cette manière, face à une loi déjà en application. Ce serait jouer à la roulette russe, à mon avis.
Cette loi budgétaire est une bombe à retardement, ai-je conclu. Va-t-on la changer ? Heureusement que le ministère de l’Intérieur vient de faire savoir, via le compte twitter de la Radio-Télévision Nationale (RTNB), que les barèmes de perception de ces taxes vont être revus, en concertation avec les concernés.