Malgré son apport à l’économie nationale (contribue à plus de 40,7 % du PIB, emploie plus de 84 % de la main d’œuvre, fournit plus de 95 % de l’offre alimentaire), le secteur agricole burundais accuse un faible taux de financements accordés par les institutions bancaires et les microfinances. L’assurance et les garanties agricoles sont une nécessité pour booster ce secteur porteur de croissance qui peine encore à décoller.
Les projets du secteur agricole au Burundi ne bénéficient que de très peu de financement, a précisé Pascal Firmin Ndimira expert en agronomie et économie rurale, lors de la journée de l’agronome au Burundi, célébrée le 17 février 2024 à l’Université du Burundi. Cette problématique avait également été évoquée lors du récent forum sur le secteur privé, tenu en le 27 novembre 2023 à Bujumbura.
Les crédits alloués à l’agriculture ne représentaient que 9,1 % en 2022 et 7,1 % en 2021, selon le rapport annuel 2022 de la BRB. Toutefois, ce score s’est amélioré durant ces deux dernières années. Ils représentaient 1,9 % en 2019 et 1,8 % en 2020. Les précédentes années, les chiffres évoluaient en dents de scie.
Quel est le nœud du problème ?
Les fonds de garantie pour les capitaux à risque et les assurances agricoles sont les points manquant du puzzle. Dans ses recherches publiées en 2014, Dr Rédempteur Ntawiratsa, professeur d’universités, évoque plusieurs raisons à l’origine de ce faible financement du secteur agricole. Les aléas climatiques viennent en premier. Ceux-ci peuvent « annihiler en un laps de temps des investissements colossaux ». Les banques et les microfinances se méfient des agriculteurs parce que les compagnies d’assurance n’acceptent guère de couvrir de tels aléas.
A cela s’ajoute la précarité économique des agriculteurs, exploitant pour la plupart de petits lopins de terre dont la production leur assure la survie, avec un maigre surplus qu’ils écoulent au marché à des prix volatiles. La méconnaissance du milieu rural et la faible couverture géographique des campagnes de la part des institutions financières sont d’autres défis révélés par le chercheur. « Cette méconnaissance se traduit par un manque du personnel compétent qui sache évaluer la rentabilité aléatoire du secteur agricole ». La faible couverture géographique, quant à elle, prive les organismes prêteurs de pouvoir suivre de près les activités qu’ils financent, afin d’en évaluer les risques.
Un autre facteur révélé, c’est l’allongement excessif des délais d’analyse des dossiers : « Ceci cause des retards dans le déblocage des fonds et parfois, ces derniers parviennent aux producteurs agricoles après la saison culturale et leur font perdre des marchés, faute de disposer de préfinancement suffisant ».
Ce défi est parfaitement illustré par Evariste Ngendakumana, ancien député. Lors du forum sur le secteur privé, Ngendakumana a accusé la Banque Nationale de Développement Economique (BNDE) de trainer les pieds dans le financement d’un projet de culture du sorgho blanc d’une coopérative agricole. Et cela malgré un business plan fait en concertation avec FIGA, sous couvert de la commune et un contrat de partenariat avec la Brarudi pour produire le sorgho blanc. « La BNDE a exigé une garantie de FIGA, et la mesure de refinancement de la BRB pour les secteurs de croissance », se désole M. Ngendakumana.
Un mécanisme de financement particulier est nécessaire
Guy Roger Ntwenguye, président de l’Association des Banques et des Etablissements Financiers du Burundi, a précisé que des réflexions sont suffisamment avancées sur la mise en place des garanties agricoles. La Banque Mondiale, à travers ses entités entre autres la Société Financière Internationale, va également contribuer dans le financement des secteurs porteurs de croissance.
Dr Rédempteur Ntawiratsa propose un mécanisme de financement particulier pour résoudre les questions liées aux financements du secteur agricole. La concrétisation de ce mécanisme passe, selon lui, par la création d’un Fonds d’Appui au Financement du Secteur Agricole (FAFA). S’appuyant partiellement sur la proposition qui émane du Forum des Producteurs Agricoles du Burundi (FOPABU), Dr Ntawiratsa explique que le FAFA comprendrait trois fonds, dont le fonds de calamités, de garanties et de microcrédit, destinés à s’attaquer respectivement aux questions d’aléas climatiques, de garanties, de disponibilités et coûts du crédit. Le FAFA serait financé par le gouvernement burundais et les bailleurs de fonds et des associations de producteurs agricoles.