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Banque ou microfinance au Burundi : où se situe la vraie différence ?

Dans le contexte économique burundais, où l’accès au financement demeure l’un des principaux défis pour les entrepreneurs et porteurs de projets, une question stratégique revient sans cesse : faut-il s’adresser à une banque commerciale ou à une institution de microfinance ? Quelle est la véritable différence entre les deux ? Et surtout, à quel moment privilégier l’une plutôt que l’autre ? Un expert nous éclaire la lanterne.

Beaucoup d’acteurs économiques confondent encore ces deux piliers du système financier national, alors qu’ils obéissent à des logiques fondamentalement distinctes. Pour tout décideur opérant au Burundi, comprendre cette différence n’est pas une simple curiosité : c’est un enjeu stratégique majeur, car le choix du partenaire financier influence directement la trésorerie, la flexibilité opérationnelle et la pérennité de l’organisation.

Un paysage financier en pleine évolution

Le système financier burundais repose aujourd’hui sur une dizaine de banques commerciales principales, supervisées par la Banque de la République du Burundi (BRB).En parallèle, le secteur de la microfinance regroupe 61 institutions membres du Réseau des Institutions de Microfinance (RIM). Cette dualité reflète une réalité économique particulière : plus de 90 % des entreprises burundaises sont des MPME (Micro, Petites et Moyennes Entreprises), souvent actives dans l’économie informelle.

Deux missions, deux philosophies

Les banques commerciales burundaises privilégient le financement d’acteurs économiques structurés. Elles accompagnent en priorité les salariés du secteur formel (fonctionnaires, employés d’entreprises établies), les sociétés disposant d’une comptabilité régulière ou encore les projets d’investissement d’envergure. Leur rôle est de mobiliser l’épargne, concentrée en majorité en milieu urbain, pour financer des investissements productifs : équipements industriels, immobilier commercial, projets agricoles structurés, commerce d’importation.

Les institutions de microfinance, quant à elles, poursuivent une mission d’inclusion financière essentielle dans un pays à dominante rurale. Elles s’adressent aux exclus du système bancaire : petits commerçants des marchés de Bujumbura, artisans des provinces, agriculteurs exploitant moins de deux hectares, femmes entrepreneures organisées en coopératives, ou encore jeunes diplômés sans garanties formelles.

Des approches du risque différentes

L’approche bancaire au Burundi reste classique : garanties formelles exigées, bulletins de salaire (souvent issus de la fonction publique), états financiers pour les entreprises, ou hypothèques sur des biens titrés. Cette exigence limite naturellement leur clientèle, dans un contexte où la propriété foncière titrée est rare et où l’économie informelle prédomine.Cependant, des évolutions apparaissent. En 2024, l’IFC et la Banque de Crédit de Bujumbura (BCB) ont signé un accord de financement de 20 millions de dollars pour faciliter l’accès au crédit des PME. La Banque mondiale soutient également la mise en place d’un Fonds de Garantie de Portefeuille (GPP) destiné aux petites et moyennes entreprises burundaises.

Les institutions de microfinance, elles, ont développé des mécanismes innovants et mieux adaptés aux réalités locales. Elles fonctionnent sur la base d’un dépôt de garantie obligatoire (15 à 25 % du montant emprunté) et surtout sur le système de caution solidaire, très efficace dans les communautés rurales. Ces groupes reposent sur les liens sociaux, la connaissance mutuelle et la réputation locale, ce qui explique leurs excellents taux de remboursement, souvent supérieurs à 95 %.

Des conditions financières contrastées

Les banques burundaises appliquent des taux d’intérêt allant de 12 % à 18 % pour les crédits commerciaux, selon la nature du projet et les garanties apportées. Elles proposent des prêts de moyen à long terme : 2 à 5 ans pour les équipements, jusqu’à 15 ans pour l’immobilier. Cette approche répond aux besoins d’investissements structurants : acquisition de véhicules commerciaux, équipements d’ateliers, construction de locaux, etc.

Les institutions de microfinance pratiquent des taux plus élevés, généralement entre 20 % et 35 %, en raison de leurs coûts opérationnels (suivi de proximité, couverture rurale, formation des clients). En contrepartie, elles offrent des montants modestes, des durées courtes (3 à 18 mois en moyenne), une grande flexibilité dans les remboursements (alignée sur les cycles agricoles) et surtout une réactivité exceptionnelle, avec des décisions prises en quelques jours seulement.

Une offre de services ciblée

Les banques burundaises diversifient progressivement leurs services : comptes courants et d’épargne, virements internationaux (notamment vers l’Europe, pour la diaspora), cartes de paiement, crédits immobiliers, financement du commerce extérieur. Le digital progresse, même si son expansion reste freinée par l’infrastructure télécom et le faible taux de bancarisation en zones rurales.

Les institutions de microfinance, elles, privilégient la proximité et l’adaptation : crédits solidaires pour les groupements féminins, crédits saisonniers pour les agriculteurs, micro-épargne avec des seuils accessibles, transferts d’argent internes, formations en gestion financière et entrepreneuriat, et parfois des micro-assurances (récoltes, décès).

Une complémentarité en construction

Le secteur évolue vers une complémentarité croissante : de nombreux entrepreneurs commencent par la microfinance rurale, passent ensuite par les IMF urbaines, puis accèdent aux services bancaires. Cette trajectoire accompagne la formalisation progressive de l’économie.

Certaines institutions favorisent même ces passerelles : les IMF les plus importantes proposent des produits de transition, tandis que certaines banques créent des départements dédiés aux PME avec des critères assouplis.

Conclusion ? Il faut choisir selon son profil

Au Burundi, la question n’est pas de savoir quelle approche est « meilleure », mais plutôt laquelle correspond le mieux à votre situation : niveau de formalisation, zone d’activité, nature du projet, montant recherché et phase de développement.Un agriculteur de Ngozi s’orientera naturellement vers sa COOPEC locale ; un commerçant de Gitega choisira en fonction de ses besoins ; tandis qu’un exportateur de café aura recours aux services bancaires complets.

L’art du financement au Burundi consiste donc à naviguer intelligemment dans cet écosystème dual, en identifiant le bon partenaire à chaque étape de son parcours entrepreneurial.

 

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